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3 octobre 2018 3 03 /10 /octobre /2018 07:41
Paul Quilès est une des rares personnalités françaises engagée en faveur du désarmement nucléaire. Lors d’une conférence, samedi, à la Maison des syndicats de Brest, l’ancien ministre de la Défense a récusé la pertinence du concept de dissuasion dans le monde d’aujourd’hui.  Télégramme de Brest 30 septembre 2018  
« Quand j’entends les discours des ministres aujourd’hui, je retrouve les mêmes formules sur la stricte suffisance que celles qu’on me faisait lire à l’époque », raconte Paul Quilès. (Photo Jean-Luc Padellec)

Dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire (LPM), les dépenses destinées à l’arme atomique vont pratiquement doubler entre 2019 et 2025. Une sénatrice socialiste avait voulu déposer un amendement en mai dernier, demandant un grand débat national sur la question. « Il ne me paraît pas judicieux de le relancer, au risque de mettre ainsi à nouveau en lumière toutes les oppositions sur le sujet et de donner la parole à tous ceux qui souhaitent se manifester contre le nucléaire d’une manière générale », avait répondu le président de la commission. L’amendement avait été retiré.

Cette fin de non-recevoir est éclairante pour Paul Quilès, qui dénonce « l’omerta générale » qui règne sur la question de l’arme atomique en France. « Près d’un demi-siècle après la mort du général de Gaulle, et malgré la fin de la guerre froide, le débat reste impossible », a-t-il déploré, samedi, devant un parterre de militants du désarmement nucléaire réunis à la Maison des syndicats, à l’invitation du Cian 29 qui milite pour que la France rejoigne, enfin, les 122 pays membres de l’Onu qui se sont déjà prononcés pour l’interdiction des armes nucléaires.

« Le système est verrouillé »

Étonnamment, l’ancien ministre de la Défense, qui ne fit qu’un passage éclair de six mois à l’Hôtel de Brienne en 1985-1986, mais qui présida ensuite la commission de la Défense pendant cinq ans, est devenu un allié de ce combat. Il raconte comment lui-même, alors ministre, récitait des discours serinés par des « savants, eux-mêmes pilotés en sous-main par le complexe militaro-industriel ».

Dans les années 90, après la chute du Mur de Berlin, et alors que l’on comptait 70 000 armes nucléaires dans le monde, celui qui fut également responsable des questions de stratégies de défense au Parti socialiste jusqu’en 2008 a tenté de faire passer quelques messages. « Mais c’est très difficile, car le système est verrouillé sans que personne ne s’en émeuve ».

Dans son dernier ouvrage coécrit, l’ancien polytechnicien, qui préside désormais l’IDN (Initiatives pour le désarmement nucléaire), dénonce « l’illusion nucléaire » en déconstruisant l’idée que l’arme atomique serait une garantie ultime de la sécurité par la dissuasion. « Cette affirmation reste non démontrée et bâtie sur des mensonges », soutient-il, en citant quelques exemples.

Une arme appartenant au passé

Ainsi, « on nous fait toujours croire que les deux bombes lâchées sur le Japon ont mis fin à la Seconde Guerre mondiale, alors que l’empereur avait déjà capitulé dans sa tête ». (…) On continue d’affirmer que l’objectif de l’arme nucléaire est d’impressionner, sans avoir à employer la bombe, pour en appeler à la raison de l’ennemi. Or, le président américain, Ronald Reagan, le disait très bien : ‘’Vous n’avez que six minutes pour décider comment réagir à un signal sur un écran radar et s’il faut, ou non, déclencher l’apocalypse ! Qui pourrait faire preuve de raison dans un moment pareil ? ‘‘»

Mais surtout, pour Paul Quilès, l’arme atomique appartient déjà au passé : « Aujourd’hui, le vrai danger est la cyber-menace. Et le hacker ne signe pas. S’il détourne un système de communication d’un sous-marin, que faites-vous avec votre arme nucléaire ? À qui lancez-vous des représailles ? » Samedi, à la Maison des syndicats de Brest, aucune autorité de l’Ile Longue n’était là pour répondre.

 

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