Les discours se contredisent d’un ministre à l’autre : le ministre de la Santé demande la stricte application de la mesure de confinement ; la ministre du Travail et le ministre des Finances demandent aux salariés qui ne peuvent télétravailler de se rendre au travail ; le Premier ministre donne raison au dernier qui a parlé.
Ces injonctions paradoxales génèrent une confusion préjudiciable à l’application de la mesure de confinement qui, dans l’esprit de beaucoup de nos concitoyens, semble, à cause d’elles, à géométrie variable. Plus grave, le confinement des salariés est laissé dans les faits à la discrétion des employeurs qui peuvent décider de l’obligation de faire venir les salariés sur leur lieu de travail lorsqu’ils jugent que le télétravail n’est pas possible y compris dans des secteurs qui ne sont pas essentiels en cette période de crise sanitaire. Cette situation risque de créer de nouveaux foyers épidémiques et expose les salariés concernés à d’importants risques sanitaires.
On peut comprendre qu’il soit difficile de concilier ces deux impératifs que sont le maintien d’une activité économique a minima avec la protection des personnes contre la contagion. Cette conciliation, toutefois, n’est pas impossible mais cela exige que le Gouvernement clarifie de toute urgence sa position sur le confinement des travailleurs de notre pays.
Pour ce faire, il est indispensable, et à très brève échéance, que le gouvernement dresse la liste des secteurs d’activité considérés comme absolument prioritaires en cette période de crise aiguë et limite la liste des entreprises habilitées à maintenir une activité sur le lieu de travail par dérogation aux mesures de confinement. Cette liste doit compléter celle établie dans l’arrêté ministériel du 16 mars qui ne concerne que les lieux recevant du public.
Le gouvernement doit en outre assurer par tous les moyens la protection sanitaire des travailleurs contraints de se rendre sur leur lieu de travail et garantir l’exercice du droit de retrait des salariés lorsque les conditions de protection ne seront pas réunies.
Enfin, nous attendons du gouvernement qu’il fasse respecter le strict confinement de tous les actifs non concernés par une obligation de continuité d’activité, comme cela est exigé du reste de la population.
L’UFAL demande donc au gouvernement de clarifier en ce sens le discours adressé aux travailleurs, notamment envers ceux d’entre eux (caissiers, ouvriers, facteurs, routiers …) qui sont massivement contraints de s’exposer au risque épidémique sur leur lieu de travail.
Face à l’afflux des patients atteints par les formes les plus graves de coronavirus, les services hospitaliers sont débordés. Certains sont d’ores et déjà obligés de faire le tri parmi les patients ; d’autres seront bientôt contraints de le faire. Le personnel hospitalier se trouve confronté à cette tragique nécessité : choisir qui il faut sauver et qui il faut laisser mourir.
Alors qu’il a contribué à ce désastre en amplifiant les politiques néolibérales de casse des services publics, le gouvernement cherche à se défausser de sa responsabilité.
Le ministre de la Santé a en effet saisi le CCNE(1) pour qu’il rende un avis sur les critères de sélection des patients qu’il convenait de retenir. Il a interrogé en ce sens les associations de représentants d’usagers de santé à travers France Assos Santé. Sur le terrain, des chefs des services d’urgence ont annoncé qu’ils n’auraient désormais d’autre choix que de soigner en priorité les patients ayant le plus de chance de survie. Les patients atteints de comorbidités ou de plus de 70 ans ne seront plus placés sous respirateur et donc condamnés à mourir.
Il est inadmissible que la responsabilité de cette sélection incombe aux associations d’usagers et aux médecins, qui sont en première ligne. Ni l’éthique ni la déontologie médicale ne peuvent pallier la pénurie de matériels et le manque de lits dans les hôpitaux. Cette situation intolérable, déjà dénoncée par l’UFAL, est la conséquence prévisible de décisions politiques : depuis plus de 30 ans, les gouvernants, réforme après réforme, plan d’économie après plan d’économie, « réorganisation » après « réorganisation », ont cassé méthodiquement les services publics, dont l’hôpital.
Sous l’impulsion du Président Macron, le gouvernement a poursuivi cette politique. Il a fait la sourde oreille aux cris d’alarme et aux demandes des personnels soignants en grève depuis plus d’un an dont le constat était pourtant sans appel : « L’hôpital public se meurt », écrivaient encore 660 médecins en décembre 2019, qui menaçaient de démissionner et demandaient dans leur tribune « de réelles négociations pour desserrer la contrainte imposée à l’hôpital », car « la rigueur est devenue austérité, puis l’austérité, pénurie ».
Plutôt que chercher à se défausser de sa responsabilité, le gouvernement devrait avoir le courage de l’assumer, en disant haut et fort que les services de santé doivent sacrifier les plus âgés et les plus fragiles au nom du « dieu Marché ». Que le gouvernement assume les conséquences de son idéologie. Qu’il assume l’impossibilité de faire face à une pandémie autrement qu’en recourant aux méthodes de la médecine de guerre. Qu’il assume l’insécurité dans laquelle sa politique a plongé la population.
Le darwinisme appliqué à l’économie a maintenant atteint l’hôpital. Pour l’UFAL, la crise sanitaire que notre pays est en train de traverser doit être l’occasion d’enterrer les politiques néolibérales.