Parmi ces économistes figurent Thomas Piketty, Julia Cagé, Gabriel Zucman ou encore Jacques Généreux. "Pour la première fois au XXIe siècle, la gauche en France est rassemblée pour mettre en œuvre une rupture avec le néolibéralisme", se félicitent-ils.
Des soutiens de poids, à quelques jours du premier tour des législatives. Plus de 170 économistes, dont Thomas Piketty, Gabriel Zucman et Jacques Généreux, ont signé une tribune de soutien au programme économique de la Nouvelle Union populaire, économique et sociale (Nupes), publiée jeudi 9 juin sur le site internet du Journal du dimanche.
"Pour la première fois au XXIe siècle, la gauche en France est rassemblée pour mettre en œuvre une rupture avec le néolibéralisme. Tournant le dos aux politiques qui accroissent les inégalités, fragilisent les services publics et abîment les écosystèmes, la Nupes porte aux législatives un projet de transformation sociale et écologique", écrivent-ils, au moment où le camp présidentiel attaque la crédibilité économique du programme de l'alliance de gauche.
"Une victoire de la Nupes apporterait immédiatement des avancées"
"En tant qu'économistes, nous savons que ce programme est ambitieux", ajoutent-ils, mais ils jugent nécessaire "une bifurcation" face à un "pouvoir macronien" qui "navigue à vue" avec une stratégie "injuste". "Si une majorité macronienne est reconduite, les prochains mois seront très difficiles pour la majeure partie de la population. A l'inverse, une victoire de la Nupes apporterait immédiatement des avancées", estiment ces économistes, parmi lesquels figurent également Jézabel Couppey-Soubeyran, Emmanuel Saez ou Lucas Chancel. Ils citent le blocage des prix des produits de première nécessité, la hausse du smic à 1 500 euros ou encore la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes.
Ils dénoncent en particulier la "politique de l'offre" qui conduit à "une catastrophe écologique, un envol des revenus des plus riches du fait de baisses d'impôts massives en leur faveur et une économie privée qui aspire de plus en plus de subventions publiques". "En abordant les questions économiques sous l'angle de la satisfaction des besoins, le programme de la Nupes propose une autre voie", justifient-ils, défendant notamment la "remobilisation de la puissance publique" dans le respect de l'environnement voulue par l'alliance de gauche, qui bénéficie d'une forte dynamique dans les sondages
Une fiscalité progressive pour financer les nouvelles dépenses
Les signataires défendent également la volonté de financer ce programme économique – qui prévoit 250 milliards d'euros de dépenses supplémentaires – via une plus grande "justice sociale", avec une "fiscalité progressive sur les revenus et les patrimoines", incluant le rétablissement de l'ISF et la suppression du prélèvement forfaitaire unique (flat tax) sur les revenus du capital.
Sur la dette publique, pour laquelle la Nupes envisage "d'obtenir que la Banque centrale européenne (BCE) transforme la part de dette des Etats qu'elle possède en dettes perpétuelles à taux nul", selon son programme, les économistes estiment qu'il n'y a pas péril en la demeure, "n'en déplaise aux cassandres conservatrices". Ils soutiennent ainsi la volonté de la Nupes d'"un recours accru au pôle public bancaire afin d'orienter la création monétaire et l'épargne des Français vers les besoins collectifs et se prémunir contre les effets déstabilisateurs des marchés financiers".
Un pouvoir qui navigue à vue
Balloté par les événements, le pouvoir macronien navigue à vue. Il y a certes un regain d’interventionnisme, à l’image du « quoi qu’il en coûte » et, dans le discours, avec la récupération du terme de planification écologique. Mais la doctrine reste la politique de l’offre : le marché est le seul opérateur pour organiser les échanges, ce qui donne aux entreprises et aux détenteurs de capitaux le plein pouvoir de définir notre mode de développement. Le résultat est une catastrophe écologique, un envol des revenus des plus riches du fait de baisses d’impôts massives en leur faveur et une économie privée qui aspire de plus en plus de subventions publiques : celles-ci ont été multipliées par deux après la crise de 2008 et de nouveau par deux à la suite de la pandémie.
Peu efficace et injuste, cette stratégie conduit in fine à la dégradation de la situation du pays, tant sur le plan des indicateurs sociaux et écologiques que sur celui du développement économique. Les contre-performances de notre pays en matière de mortalité infantile, de niveau de mathématiques des élèves, d’inaction climatique ou de déficit extérieur font ici système. Il s’agit d’une crise générale du gouvernement qui exige une bifurcation.
Gouverner par les besoins
En abordant les questions économiques sous l’angle de la satisfaction des besoins, le programme de la Nupes propose une autre voie. Son principe fondamental consiste à relier l’immédiateté de l’urgence sociale au temps long d’un mode de développement désirable et respectueux des impératifs écologiques.
Apporter une réponse immédiate à la crise sociale en est donc la condition préalable. L’inflation grignote le pouvoir d’achat et l’activité en berne va aggraver une situation déjà alarmante. Si une majorité macronienne est reconduite, les prochains mois seront très difficiles pour la majeure partie de la population.
A l’inverse, une victoire de la Nupes apporterait immédiatement des avancées : blocage des prix des produits de première nécessité, hausse du Smic à 1500 euros nets, négociation des salaires au niveau des branches, revalorisation des retraites et des minimas sociaux, mise en place d’une allocation d’autonomie pour les jeunes ainsi qu’un programme de garantie d’emploi permettront de soulager les difficultés les plus urgentes et de restaurer la confiance en l’avenir pour le plus grand nombre.
La politique des revenus ne peut cependant être l’alpha et l’oméga de la reconstruction socioéconomique. Celle-ci passe par une remobilisation de la puissance publique et la construction d’un projet productif à long terme, compatible avec le respect de la biosphère. Cela implique un effort de financement des équipements et de revalorisation des conditions de travail, notamment dans les domaines de l’éducation, du soin et de la recherche où les retards accumulés démoralisent les personnels. Les relations sociales dans l’entreprise doivent être considérablement démocratisées, ce qui passe notamment par une meilleure représentation des salariés dans les instances de décision des entreprises, un renforcement du rôle des syndicats et la limitation des écarts de salaires.
Un redéploiement des services essentiels (éducation, transports, santé, poste, justice) permettra la redynamisation économique des territoires sacrifiés sur l’autel de la réduction des coûts. La proposition d’instaurer une planification écologique démocratique et contraignante vise quant à elle une projection à long terme de nos sociétés compatible avec une décroissance des pollutions et de l’utilisation des ressources naturelles.
Notre programme est solide
Les investissements concernant la reconstruction des services publics et la transition écologique nécessitent des financements. L’option choisie est d’abord celle de la justice sociale au service de l’efficacité. Une fiscalité plus progressive sur les revenus et les patrimoines, le rétablissement de l’ISF et la suppression de la flat tax ainsi que la lutte contre la fraude permettront de dégager des ressources supplémentaires importantes et de limiter le recours à l’endettement. Si l’effort prévu est substantiel pour les plus favorisés, en particulier pour les riches héritiers, les impôts seront constants ou en baisse pour 90 % de la population.
En matière de dette publique, la conjoncture est exceptionnellement favorable car l’accroissement de l’épargne et le développement des produits financiers s’accompagnent d’une demande accrue d’actifs sûrs. Or, n’en déplaise aux cassandres conservatrices, la dette française bénéficie de ce statut très privilégié : d’une part, nos conditions d’emprunt sont parmi les meilleures du monde, d’autre part, l’essentiel de la dette Française a été contractée à des taux très faibles et avec des maturités lointaines. Un niveau modéré d’inflation est favorable aux finances publiques, une telle dynamique est donc souhaitable à condition que les revenus du travail et les transferts sociaux soient protégés. Enfin, nous prévoyons un recours accru au pôle public bancaire afin d’orienter la création monétaire et l’épargne des Français vers les besoins collectifs et se prémunir contre les effets déstabilisateurs des marchés financiers.
Alors que les marges de certains groupes français atteignent des records historiques, la progression des salaires sera financée par un rééquilibrage du partage de la valeur entre salaires et profits. Dans le même temps, le dynamisme de la demande populaire, la transition écologique et le soutien aux relocalisations et à l’innovation stimuleront l’investissement.
Cette élection est le moment de redécouvrir les vertus économiques de l’ambition collective et de la solidarité. Fruit d’un travail collégial expert et citoyen, le programme défendu par la Nupes est le socle d’un rassemblement inédit. La victoire de ce projet à la fois social, écologique et démocratique les 12 et 19 juin prochain permettrait enfin de mobiliser l’économie pour prendre soin de la planète et de nos conditions de vie. »