le 13 novembre
Nous étions en droit de penser que le PS, « parti responsable de gouvernement », disposait d'un bilan complet des méfaits sarkozystes. Mettre en avant les conséquences du désastreux quinquennat Sarkozy était de bonne guerre. C'est d'ailleurs pour en finir avec le règne de ce monarque, de sa camarilla et de ses amis les riches, que de nombreux électeurs ont porté au pouvoir François Hollande. On attendait donc qu'il remette en question les « cadeaux aux amis ». L'affaire de l’écotaxe révèle qu'il n'en est rien. C'est un cas d'école de la continuité, d'une mesure sarkozyste qui a survécu à ses créateurs.
De fait, les mobilisations ont mis en évidence une fausse taxe écologique. Celle-ci visait à faire croire que le « Grenelle de l’environnement » avait débouché sur quelque chose et que Borloo – son créateur aujourd'hui particulièrement muet - avait pesé à droite en faveur de l'écologie. C'était à mettre « au crédit » de celui qui veut jouer aujourd'hui le fédérateur des centres ouverts aux écologistes.
Nous sommes tout à fait conscients des conséquences désastreuses du transport routier, de son coût exorbitant pour la société. L'agence européenne de l'environnement estime même son coût sanitaire à 45 milliards d'euros par an et 350 000 décès prématurés (Lire...). Le transfert de la route vers le rail ou d'autres modes de transport moins polluants est une nécessité.
Au lieu de prévoir des solutions de remplacement, le gouvernement actuel a laissé le fret SNCF regroupé avec le transport routier dans Géodis. Bien loin d'être conforté, le fret ferroviaire recule et est incapable de répondre à une demande accrue en quantité et en qualité (suppression du « wagon par wagon » plus souple pour des quantités réduites, fermetures de gares de triage, incapacité d'offrir une offre multimodale indispensable, etc.)
Faute d'une politique des transports de substitution, l'écotaxe ne pouvait être efficace pour réduire la pollution du transport routier. De fait, il n'y a pas eu de « changement maintenant » dans la politique de transport : Pepy, Blayau sont toujours aux commandes, avec la même politique.
Dès lors, l'écotaxe se réduisait à une « pompe à finance » sauvegardant les intérêts des groupes autoroutiers privés. L'écotaxation des routes provoque automatiquement l'augmentation du trafic sur les autoroutes. Le ministère des Transports s’attend, de fait, à une augmentation de 15 à 20 % soit une recette supplémentaire estimée à 400 millions d’euros par an, principalement pour Vinci et la Sanef !
L'affaire pourrait en rester là. Mais le mode de perception de la taxe par une société privée « Ecomouv » qui se sert largement au passage donne une autre dimension à l'écotaxe. Cette société, dominée par Benetton et Goldman Sachs (via la société d'autoroute italienne Autostrade), comprend en outre la SNCF, Talès, SFR.... Elle est chargée de mettre en œuvre techniquement la gestion de l'écotaxe et, pour cela, touche des sommes considérables, bien loin du coût de gestion des impôts (Lire « Les dessous de l'écotataxe »)
Le problème n'est pas seulement la façon dont l'attribution de ce marché a été faite. Le recours d'un concurrent la SANEF auprès du Service Central de Prévention de la Corruption est ainsi restée sans suite de la part du parquet (un procureur nommé Courroye, grand ami de Sarkozy...). Mais l’État est particulièrement lésé dans les termes de ce contrat de 13 ans et 3 mois qui doit rapporter 3,2 milliards d'euros à Ecoumouv !
Pourquoi le gouvernement Ayrault - qui a besoin d'argent - n'a-t-il donc pas remis en cause ce contrat ?
Il est évident que les socialistes gouvernementaux ont eu peur de s'attaquer à Goldman Sachs qui s'est imposée partout et a placé ses hommes dans différents lieux de pouvoir européens. Pourquoi prendre le risque de s'attirer les foudres des la banque internationale et des médias à son service qui pouvaient lui créer de gros problèmes en minant sa crédibilité auprès du Capital ?
Mais il y a pire : ce sont les hauts fonctionnaires de Bercy qui ont poussé à la privatisation de la collecte de l'écotaxe. En bons libéraux qu'ils sont, ils considèrent que le privé est nettement supérieur au service public fut-ce à leurs propres services. C'est l'idéologie des « partenariats publics privés » qui coûtent si chers à l’État ou à la Sécurité sociale dans les hôpitaux. Ces partenariats sont devenus le nec plus ultra des investissements publics pour le plus grand profit des opérateurs privés.
Cadres des appareils d’État et dirigeants PS sont imprégnés de la même idéologie. Ils ont laissé en place les mêmes hauts fonctionnaires qui continuent à faire la même politique. Ils ont abandonné les principes de débat public, de délibération démocratique, de contrôle et de débat parlementaire. Il ne leur vient même pas à l'idée d'avoir recours à l'expertise citoyenne et d'écouter ce que disent de l'écotaxe les syndicats CGT ou Solidaires des douanes. C'est la dictature des experts libéraux, avec une place disproportionnée donnée aux grands experts de la fonction publique et le mépris pour les organisations syndicales. C'est la place laissée à la Cour des comptes qui outrepasse ses fonctions pour juger au nom de la doxa libérale. C'est le haut conseil des finances publiques qui remplace le débat budgétaire, au mépris des élus.
Avec Valls, la direction de la police et les syndicats de gradés déterminent la politique socialiste de la sécurité, de l'immigration. C'en est devenu caricatural. Mais ce qu'on voit moins c'est que les mêmes directions centrales sont au pouvoir partout, empêchant par exemple la remise en cause des lois liberticides de Sarkozy que les députés socialistes dénonçaient avec vigueur hier encore.
Les nécessités de l'austé-sécuritaire ont eu raison de toute autre considération politique !
Une telle dérive est-elle possible sans accentuation des contradictions internes et des contradictions avec le peuple de gauche qui a voté PS ?
Nous pensons que non. C'est pourquoi, l'urgence actuelle est de rouvrir l'espoir à gauche !