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L'Alternative Citoyenne de la Manche s'inscrit dans une démarche politique nouvelle. Elle se fixe comme objectif de faire en sorte que la Gauche gagne et réussisse

Les intermittents vers un été brûlant

Publié le 18 Juin 2014 par Alternative Citoyenne de la Manche in Luttes

vu sur le site de REGARDS Par Caroline Châtelet| 6 juin 2014
Les intermittents vers un été brûlant (CIP-IDF) CIP-IDF
 

Depuis la signature de l’accord Unedic le 22 mars, le secteur de la culture multiplie les actions contre cette convention. Une mobilisation qui a atteint une nouvelle étape mardi, avec des débrayages successifs. À l’approche des festivals estivaux, revue des enjeux de la lutte.


Voilà. Nous y sommes : le 3 juin, le Printemps des comédiens à Montpellier, premier des "grands festivals" de l’été, a voté la grève reconductible. Dans son sillage, d’autres équipes et spectacles ont suivi – derniers en date les salariés de Plus belle la vie – et la CGT-spectacle a déposé mercredi un préavis de grève national. Oh, bien sûr, cela fait quelque temps que la colère monte et que les actions se succèdent : occupations d’antennes du Medef, de Pôle emploi ou de Directions régionales des affaires culturelles, affichage sauvage annonçant "l’annulation" de spectacles, prises de paroles à la fin des spectacles, établissement d’une charte (PDF) déclarant persona non grata tous les membres du gouvernement dans les festivals, incursions sur des plateaux télévisés, manifestations...

Pour autant, c’est lundi que tout s’est accéléré. Lors de la cérémonie des Molières, Nicolas Bouchaud, représentant des collectifs d’intermittents et précaires, a remis à François Rebsamen le "Molière de la trahison pour son rôle d’employé du Medef". Au-delà du tacle en bonne et due forme, l’intervention a souligné les ravages promis par ce nouvel accord et l’absence de cohérence gouvernementale – « Avant d’arriver au pouvoir, tous les membres du gouvernement soutenaient nos propositions », a rappelé le comédien.

Entre coup dur et coup de grâce pour les plus vulnérables

Pour saisir ce qui anime les intermittents, il faut remonter aux 21 et 22 mars. Cette nuit-là, les négociations sur l’assurance chômage aboutissent à la signature d’un nouvel accord Unedic. Validé par le Medef, la CFDT et FO, refusé par la CGT et la CGC, le texte déclenche rapidement des critiques. Comme l’explique Samuel Churin, membre de la coordination des Intermittents et précaires (organisation à l’opiniâtreté prouvée), cet accord « se fait sur le dos des plus précaires ». Au programme, déjà, le maintien du dispositif de 2003 réformant le régime spécifique d’assurance chômage des intermittents. Dénoncé par diverses instances, dont le comité de suivi de la réforme de l’intermittence (réunissant organisations professionnelles et parlementaires), ce protocole s’est révélé incapable de réduire tout déficit… mais apte à pérenniser la précarité. Puis, une augmentation de 2% des taux de cotisation sur les salaires est prévue (à laquelle s’ajoute le 0,5% désormais appliqué à tous les CDD d’usage).

Entre coup dur et coup de grâce pour les plus vulnérables, cette majoration va rejaillir sur la masse salariale et les budgets artistiques. Également sortie du chapeau, la question du différé, ou délai de carence : conçu principalement jusqu’alors pour cibler les hauts revenus, ce temps pendant lequel un intermittent ne touchera pas ses allocations chômage concernera 47% des indemnisés (contre 9% auparavant). Enfin, la mesure qui pouvait limiter les abus en encadrant le cumul entre salaires et allocations passe d’un plafonnement de 5.475 euros à 4.283 euros bruts mensuels. Frilosité, quand tu nous tiens.

Normaliser la flexibilité

Si les intermittents martèlent « ce que nous défendons, nous le défendons pour tous », c’est bien parce qu’au-delà des annexes 8 et 10 les concernant, cette convention touche aux droits de tous les précaires. Tandis que les intérimaires verront leur allocation mensuelle baisser de 50 à 300 euros, les salariés de plus de soixante-cinq ans cotiseront désormais au régime. Quant aux droits rechargeables, leur mise en place permettra aux demandeurs d’emploi de "recharger" leurs droits à indemnisation en retravaillant. Ou comment promouvoir l’acceptation de n’importe quel petit boulot, à n’importe quel prix, et dans n’importe quelles conditions... On l’aura compris, le socle de cet accord Unedic est idéologique. Outre la motivation de réaliser des centaines de millions d’économies sur les régimes et droits des plus fragiles, il normalise la flexibilité et nivelle par le bas.

Si tout n’est pas encore joué, le temps presse. Le 4 juin, une réunion du Conseil national de l’emploi (CNE) destinée à lancer l’agrément de la convention d’assurance chômage a décidé d’une nouvelle convocation le 18 juin, suite à l’opposition de la CGT et la CGC. En dépit des protestations, il est probable que la convention soit appliquée au 1er juillet. D’ici là, comme le dit Samuel Churin, il s’agit de « continuer à maintenir la pression, de réclamer la non-signature de l’accord par François Rebsamen. »

Le spectre de 2003

Après les soutiens retentissants adressés début mai par Martine Aubry et Jean-Christophe Cambadélis – lesquels disent bien le malaise au sein de la majorité face à cet accord –, d’autres engagements continuent à affluer de toutes parts : lettre ouverte des directeurs de structures culturelles à Manuel Valls dans Libération jeudi, courrier d’Olivier Py, nouveau directeur du festival d’Avignon, au ministre du Travail. À l’approche de l’été, tout le monde a en mémoire le spectre de 2003. Cette année-là, les festivals estivaux s’étaient mués en un chapelet d’annulations. Une véritable déflagration, dont nombre d’artistes et de structures ne s’étaient pas relevés, la période estivale constituant pour certains le gros de leur activité professionnelle.

Côté gouvernement, le mutisme et la réserve dominent. Sur Europe 1 le 3 juin, la ministre de la Culture et de la Communication a évoqué diverses mesures, dont la constitution d’un "fonds d’accompagnement pour les plus pauvres". Sur RTL, le ministre du travail a estimé son Molière « insultant », « injuste », rappelant son bilan positif à Dijon. Au-delà de cette façon pour Filippetti de prôner les bonnes œuvres et pour Rebsamen de déplacer le débat politique sur le terrain affectif, la réponse de ce dernier étonne. Car c’est bien sur sa signature lorsqu’il était maire de Dijon (le 9 mars 2014 !) d’une tribune du comité de suivi appelant à la prise en compte de contre-propositions que les intermittents ne cessent de l’interpeller.

Des contre-propositions dont la validité n’est plus à prouver : ainsi, un rapport établi par deux chercheurs indépendants, Mathieu Grégoire et Olivier Pilmis, vient d’être présenté le 4 juin à la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat. Exposant l’efficacité économique de l’alternative défendue ainsi que la préservation de la justice sociale, il constitue une preuve de plus, pour les intermittents, de la validité et de la nécessité de leur combat. Mais en attendant, l’étau se resserre, l’été approche, et avec lui, les festivals …

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