« Il n’y a jamais une seule politique possible, quelle que soit la gravité de la situation »François Hollande, il y a longtemps.
Ce qui est fantastique avec le président de la République, c’est qu’il arrive à décevoir même ceux qui n’attendent rien de lui. Depuis son élection, l’orientation libérale s’est appliquée sans coup férir : réforme du code du travail avec l’ANI, cadeaux au patronat de 20 milliards d’euros sans contrepartie avec le pacte de compétitivité, augmentation de la TVA au 1er janvier 2014 pour compenser des baisses de "charges" aux entreprises... Aussi, la traditionnelle séance des vœux du président s’annonçait-elle morne et convenue : que nenni !
Moins de dépenses publiques, moins de charges pour les entreprises, moins d’impôts, et un « pacte de responsabilité »avec les entreprises, tel fut le menu indigeste de l’allocution présidentielle. Cerise sur le gâteau, une touche d’indignité avec la dénonciation des « abus » à la Sécurité Sociale – il ne manquait qu’un couplet sur l’assistanat pour que le tableau soit complet. Et si vous doutez encore, le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, se charge de vous éclairer : « Une politique est plus lisible si elle est assumée, surtout quand elle est courageuse. Ce n’est pas un tournant, c’est un approfondissement, ce n’est pas une nouvelle étape, c’est une accélération ». Le même Cazeneuve, portant son arrogance en étendard, était bien en peine le lundi 6 janvier sur BFM pour expliquer en quoi la politique annoncée se différencie de celle menée par Sarkozy pendant cinq ans.
Interrogé par le Journal du Dimanche, le politologue Stéphane Rozès ne peut que constater la réalité : « Les efforts demandés sont plus importants que sous Nicolas Sarkozy ». L’éditorial de Bruno Jeudy dans ce même journal ne cache pas sa satisfaction : « La droite est restée sans voix,. La gauche, malgré une indigestion de mesures libérales, n’a pas osé protester. Contre toute attente, le président a presque réussi ses vœux ». Même Pierre Gattaz semble rassasié. Incarnation d’un patronat de choc, il n’a eu de cesse de réclamer toujours plus depuis son élection à la tête du Medef en juillet 2013, le voilà aujourd’hui comblé. Interrogé par le journal Le Monde, au sujet du pacte de responsabilités, il déclare : « C’est ce que nous demandions depuis plusieurs mois [...] je suis satisfait [...] le contenu est très proche [...] J’ai été rassuré par le président de la République, qui a dit que ces assises devraient permettre de baisser la fiscalité sur les entreprises [...] il faut baisser la dépense publique [...] Il faut aller au-delà, soit 50 milliards de plus que l’objectif du gouvernement [...] Le président de la République a parlé d’abus de la protection sociale [...] Là, j’ai applaudi, il faut y aller. »
Vide idéologique
Les différents éditorialistes applaudissent des deux mains devant cette politique "social-démocrate" ou "social-libérale" enfin revendiquée. On serait bien en peine de déceler la moindre dimension sociale à tout cela mais, ravis de l’aubaine, ils en appellent aux mânes de Tony Blair et de Gerhard Schröder. Bel exemple, en vérité, au regard de la situation désastreuse de la gauche en Allemagne et en Grande Bretagne. Bel exemple, aussi, au vu de la trajectoire ultérieure de ces deux chefs de gouvernement : Gerhard Schröder est désormais membre du directoire du groupe pétrolier russo-britannique TNK-BP, quant à Tony Blair, il fait fortune comme conférencier et a créé une société commerciale baptisée Tony Blair Associates.
Appliquant des mesures d’appauvrissement de l’État qui ont pourtant démontré toute leur nocivité depuis la crise financière de 2008, les socialistes français sont en réalité confrontés à leur vide idéologique. Il n’y a plus de projet de société, plus d’objectif de transformation rien que la gestion loyale du système. À n’en pas douter, le quinquennat de François Hollande marque la fin d’une histoire pour le socialisme français. Retrouver les voies d’un projet de transformation prendra du temps, il ne s’agit pas tant de rénover que de reconstruire, désormais.