Jadis, il arrivait, paraît-il, qu'on le confondît avec Léo Ferré. Tignasse blanche oblige, et opinions bien trempées aussi. René Vautier, qui vient de mourir à l'âge de 86 ans, en Bretagne où il s'était retiré, faisait partie d'une espèce presque complètement disparue : celle des cinéastes engagés, voyant dans le 7e art une arme de dénonciation, l'instrument d'une prise de conscience.
Les images, cet ancien résistant, diplômé de l'IDHEC au lendemain de la seconde guerre mondiale, les a utilisées pour toutes les causes : pour la décolonisation via son premier film, Afrique 50 qui, en 1950, lui valut treize inculpations et une condamnation ; contre le capitalisme (notamment Un homme est mort, 1951) ; contre l'oubli des exactions commises pendant la guerre d'Algérie : Avoir vingt ans dans les Aurès, primé à Cannes en 1972, reste son film le plus célèbre, qui montre un peloton d'appelés endoctriné par un officier tortionnaire, etc.
Sa vie aussi était un engagement, depuis la Résistance, donc, jusqu'au FLN, puis au Centre Audiovisuel d'Alger, où il aide à former la première génération de cinéastes algériens. En 1973, il s'était lancé dans une longue grève de la faim pour que le documentaire Octobre à Paris, de Jacques Panijel, consacré au massacre d'Algériens le 17 octobre 1961, obtienne un visa de sortie. Il avait eu gain de cause. Depuis la Bretagne, où il avait créé un outil de production, il continua ensuite sans relâche son cinéma d'intervention.