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19 juillet 2011 2 19 /07 /juillet /2011 13:22

liberte.jpgOn a beaucoup polémiqué suite aux déclarations d'Eva Joly sur le défilé du 14 juillet. En revanche, on a moins discuté du fond de sa proposition.

 

Vu sur le site des + du Nouvel Observateur Sélectionné et édité par Maxime Bellec

 

"Monsieur le Président, je suis un déserteur

de ton armée de glands et de troupeaux de branleurs,

ils auront pas ma peau, ils toucheront pas mes cheveux,

j'saluerai pas le drapeau, j'marcherai pas comme les bœufs..."

 

S'exprimant ainsi dans sa jolie chanson Le Déserteur, librement inspirée de Boris Vian, Renaud s'y fait l'interprète d'un antimilitarisme traditionnel de la gauche. La proposition d'Eva Joly de supprimer le défilé militaire du 14 juillet s'inscrit-elle dans cette tradition ? L'idée de "défilé citoyen" proposée par la candidate Europe Ecologie-Les Verts a le mérite de proposer un questionnement sur la signification du 14 juillet, et sur le rapport de la gauche avec l'institution militaire.

 

  La gauche n'est pas, elle est devenue antimilitariste

 

La gauche n'a pas toujours été antimilitariste mais l'est devenue. L'armée moderne a été fondée par la Révolution française et par la République pour défendre la patrie en danger. Mais la gauche s'en est détournée, notamment après la Révolution de 1848 et le coup d'Etat du 2 décembre 1851, ou encore après la crise boulangiste (1889-1891), quand il est devenu certain que l'armée était devenue l'alliée des forces conservatrices, et non des forces démocratiques et sociales, sur lesquelles devaient se fonder la République.

 

La gauche est-elle patriote?

 

Si la gauche se défie de l'armée, qui n'est plus pour elle le fondement de l'unité nationale, cela ne signifie pas que la gauche n'est pas patriote. Au contraire, c'est au nom du patriotisme que les communards n'ont jamais reconnu la défaite de Sedan de 1870, et que la gauche n'a jamais accepté l'armistice de 1940. Il n'y a pas de lien entre patriotisme et respect envers l'institution militaire. Surtout, refuser de débattre du défilé de l'armée du 14 juillet révèle la méconnaissance de la signification de la fête nationale.

 

Le 14 juillet célèbre l'unité de la nation

 

Que commémore-t-on le 14 juillet ? La prise de la Bastille, diront certains ? La lutte contre l'arbitraire et le despotisme ? La fête nationale commémore en réalité la Fête de la Fédération célébrée le 14 juillet 1790. Il s'agissait, dans l'esprit des pères de la République de 1880, de célébrer l'unité et la réconciliation de la nation qui avait eu lieu un an après la prise de la Bastille. Il n'était pas question de célébrer l'armée.

 

L'armée incarne-t-elle seule l'unité nationale ?

 

Si l'unité de la nation doit être célébrée, pourquoi seule l'armée défilerait-elle ? Est-elle la seule institution à incarner l'unité de la nation ? Pourquoi ne pas célébrer l'Education nationale, l'assistance publique, la sécurité sociale, le service public en général ou encore toutes les associations et organismes qui contribuent, pas à pas, à créer du lien social ? Pourquoi donc ne pas célébrer les citoyens, la société civile, comme le propose Eva Joly ? Il est inquiétant que la France ne s'appuie plus que sur l'une de ses institutions au détriment des autres.

 

La France doit-elle imiter les dictatures ?

 

Il ne s'agit pas de nier l'utilité de l'armée, ni le courage et le dévouement des femmes et des hommes qui s'engagent et luttent pour assurer la sécurité de la nation. Il est toutefois permis de se demander pouquoi ne défile que l'armée lors de la fête de tous les citoyens.

 

La France serait-elle devenue une dictature pour ne s'enorgueillir que de ses chars Leclerc, ses rafales et ses canons ? Va-t-elle devoir mettre en scène ses missiles, à la manière de la Corée du Nord ou de dictatures militaires pour susciter un soutien au régime ? La France n'a-t-elle rien d'autre à proposer à ses citoyens que ses missiles comme seul fait de gloire ?

 

Doit-on être fier de l'armée française ?

 

Si l'on ne peut contester les efforts et les sacrifices des soldats français, il faut aussi se rappeler que l'armée française n'a plus gagné de guerre depuis 1945 – et encore.

 

Que penser par exemple des interventions en Indochine, en Algérie ou encore aujourd'hui, en Libye ou en Afghanistan ? Si les premières apparaissent désormais comme des fautes politiques, on peut douter des chances de succès des dernières, quand bien même elles viseraient la disparition d'un dictature ou le développement d'un état de droit. Aujourd'hui, les soldats sont toujours courageux mais les objectifs politiques sont incertains, pour ne pas dire irréalistes.

 

"La guerre est une chose trop sérieuse pour la laisser aux mains des militaires", disait Clemenceau. Engagée sans principes directeurs, sans vision du monde cohérente, et célébrée uniquement le 14 juillet pour sa mise en scène et sa chorégraphie, il semble plutôt que l'armée française n'ait plus aujourd'hui les hommes politiques qu'elle mérite.

 

A lire sur le même sujet :

- Défilé du 14 juillet : la proposition d'Eva Joly va profiter à l'extrême droite

- Eva Joly et le 14 juillet : palmarès des meilleures réactions

- Eva Joly, aussi française que ceux qui la critiquent

 

 

 

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