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26 novembre 2010 5 26 /11 /novembre /2010 10:51

Loi NOME : un véritable hold-up !

 

 

 

services-publics.jpgLe  23 novembre 2010

 

NOUVELLE ORGANISATION DU MARCHE DE L’ELECTRICITE
2ème lecture

MOTION DE REJET PREALABLE

Daniel PAUL, député de Seine Maritime.

 

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues.

Nous l’avons déjà dit lors de la 1ère lecture : votre projet de loi est inacceptable. Comment accepter en effet qu’au nom de la concurrence, on oblige un pays à augmenter les tarifs de l’électricité ? Comment justifier que les intérêts du marché soient plus importants que ceux d’un pays, d’une économie, d’une population ?

C’est pourtant ce que signifie votre texte de loi. Vous voulez, au terme de cette 2ème lecture, que la représentation nationale décide qu’EDF cèdera à ses concurrents 25% de sa production nucléaire, et tout cela pour qu’enfin, ceux-ci puissent espérer gagner des parts de marché !

Car la réalité est là ! Depuis que les libéraux ont décidé l’ouverture du marché de l’électricité en Europe et en France, seuls 4 à 5% de nos compatriotes ont franchi le pas et quitté l’opérateur public, et même le secteur industriel reste prudent. Alors Monsieur BEGBEDER est monté au créneau ! Il faut dire qu’en fondant Poweo, en 2002, il pensait que le marché de l’électricité allait rapidement être juteux. Mais, les résultats sont décevants et il a dû passer sous la coupe du groupe autrichien Verbund et de fonds britannique et luxembourgeois. Uniquement des gens soucieux de la qualité de l’électricité dans notre pays….

Il y a quelques jours, par hasard sans doute, M. BEGBEDER a annoncé que, faute de pouvoir se développer sur le marché français, Powéo envisageait de mettre fin à son activité de détail. Il dénonce le « maintien de conditions réglementaires » qui empêchent le marché de jouer pleinement, en clair, il met en cause les choix stratégiques de notre pays depuis la Libération, la décision de développer un secteur nucléaire, sous maîtrise publique, pour mieux garantir la sécurité et la maîtrise des coûts, le maintien, par l’Etat, de tarifs réglementés.

Pour notre part, nous considérons que c’était et que c’est toujours bien ainsi : l’électricité n’est pas un produit banal, ce n’est pas une marchandise ordinaire et il est donc juste et responsable que des gouvernements aient décidé qu’elle ne ferait pas l’objet de spéculation, à des fins de profits, mais qu’elle serait accessible à la population et à nos industries. En clair, l’électricité est un atout de politique sociale et économique.

Or, c’est cela que vous bradez aujourd’hui, sur l’autel du libéralisme. Certes, vous prétendez qu’il s’agit de sauvegarder le système mis en place par nos aînés, dans le cadre du programme du CNR ! Certains espèrent ainsi cacher qu’ils sont pour la loi du marché, sans trop oser le dire, d’autres se sont résignés à céder devant elle, sans le reconnaître. Mais cela ne vous empêche pas, ni le président de la République, ni vous-mêmes, de rappeler votre fidélité au Général de Gaulle, alors que ce sont les principes mêmes du CNR, puis de la politique qui en a découlé, que vous enterrez ! Comment ne pas faire un parallèle avec le dossier des retraites et de la protection sociale où vous prétendez aussi sauver le système par répartition, alors qu’étape après étape, adaptation après adaptation, vous le videz de son sens en cédant aux pressions des marchés et des assurances privées.

Les raisons justifiant un rejet préalable de votre texte sont nombreuses. Ne pouvant les présenter toutes, dans le temps qui m’est imparti, j’en retiendrai 3 qui me semblent particulièrement éclairer vos objectifs et les enjeux auxquels nous sommes confrontés.

Je l’ai dit, certains sont porteurs de l’idée que dans tous les domaines, la loi du marché est la seule qui vaille. D’autres ont cédé devant l’offensive libérale. Tous, pourtant, aujourd’hui, comme hier, vous poussez à la dérèglementation, à la casse des outils publics, à la marchandisation généralisée, y compris de ce qui est nécessaire à la vie de nos concitoyens, à l’activité de notre pays. Comment pouvez-vous oublier ou négliger que le prix de l’électricité en France, un des moins chers d’Europe, est un atout essentiel au plan social, comme au plan économique et économique ? 

Or, au nom des intérêts de quelques financiers, vous voulez qu’EDF vende 25% de sa production nucléaire à ses concurrents, afin de donner des chances à la concurrence. Cela aura évidemment des conséquences sur le tarif final aux usagers. Dans tous les cas, ce sont les consommateurs qui paieront. Avec un prix de cession de 42 euros, la Commission Européenne n’acceptera pas qu’il en soit autrement. D’ailleurs la CRE a fait des projections : si EDF obtient gain de cause, il faudra relever les tarifs bleus (particuliers et petits professionnels) de 11,4% une fois la réforme votée, puis de 3,5% par an entre 2011 et 2025. Mais ne soyons pas dupes ! EDF cherche également à obtenir une augmentation de ses tarifs à travers les négociations sur la loi NOME. En juillet 2009, Pierre Gadonneix avait réclamé une hausse des tarifs de 20% sur 3 ans, ce qui lui avait coûté son poste et le journal les Echos en janvier dernier avait fait état de projections internes à EDF, envisageant une hausse des tarifs aux particuliers de l’ordre de 24% entre 2010 et 2015.

Alors, il y aura sans doute marchandage, entre ce que demande EDF, qui signifierait une lourde augmentation des prix et ce que veulent les concurrents qui serait synonyme de bradage total ! Quel que soit le choix, sans doute entre ces 2 montants, il se traduira par une augmentation des prix de l’électricité et prétendre que la concurrence pourra ensuite jouer au profit des consommateurs, c’est une supercherie et vous le savez bien : l’électricité n’étant pas stockable, la concurrence ne peut qu’entraîner l’augmentation des prix, et d’ailleurs, partout, c’est le scénario qui s’est vérifié.

Mais votre logique va plus loin. Non seulement l’opération à laquelle vous vous prêtez va mécaniquement augmenter les prix, mais elle va également justifier la fin des tarifs régulés, ceux-là même qui sont depuis longtemps dans le collimateur de la Commission Européenne, au nom de la  concurrence libre et non faussée. Alors, sans doute proposerez-vous un tarif social, accessible aux plus démunis, mais ce qui compte, c’est que la libéralisation du système aura été effectuée, les prix de l’électricité auront augmenté, les tarifs régulés auront disparu, pour la plus grande satisfaction des marchés, les « freins » dont parle M. BEGBEDER auront disparu, non pour que la situation des consommateurs soit meilleure, qu’il s’agisse des ménages, des collectivités locales, des PME et des PMI, mais pour que celle des marchands d’électricité soit plus profitable.

C’est à cela que vous vous prêtez aujourd’hui, en bradant les intérêts de notre pays pour obéir aux lois du marché. Cet abandon est inacceptable et justifie à lui seul notre demande de rejet de votre texte. 

Sans oublier qu’à cette augmentation s’ajouteront celle de la CSPE, pour permettre l’obligation d’achat des énergies renouvelables (il est question de faire passer la CSPE de 4,5 à 7,5 euros), celle que nécessitera la situation difficile du réseau de distribution, puis celle qui viendra pour permettre la prolongation de la vie des réacteurs nucléaires, puis le coût des compteurs dits intelligents, etc… M. Gadonneix avait parlé d’une augmentation de 20%, il avait sans doute dit tout haut et trop tôt ce que certains exigeaient et que vous aviez décidé d’accepter.

La 2ème raison de rejeter votre texte de loi, c’est qu’en autorisant la création d’un marché de capacités, vous aggravez la spéculation autour des questions énergétiques. Je dis bien « aggravez », car la spéculation existe d’ores et déjà, depuis la libéralisation du secteur électrique, mais vous allez lui ouvrir de nouveaux horizons.

Ainsi, pour accéder à l’électricité nucléaire d’EDF, les « nouveaux opérateurs » devront disposer de capacités de production et de capacités d’effacement ; mais comme « faire argent de tout » est dans l’air du temps, vous annoncez que ces « capacités » pourront faire l’objet d’échanges sur le marché et donc de spéculation. Nous vous avions déjà demandé, en 1ère lecture, d’abandonner cette disposition ; vous l’avez maintenue ! Ainsi, un marchand d’électricité pourra acheter à un autre opérateur une partie de ses capacités d’effacement ou de production, pour obtenir une part de la production nucléaire d’EDF. Nous continuons de demander la suppression de cette disposition dont tout fait craindre que non seulement elle ne serve pas les intérêts des consommateurs, mais qu’elle aggrave encore plus la situation du secteur de l’électricité.

Comment d’ailleurs ne pas faire le lien avec les quotas de C02 qui font, eux aussi, l’objet d’un marché à l’échelle internationale. On découvre d’ailleurs qu’une fraude de 5 milliards à la TVA a été découverte, des groupes peu scrupuleux faisant tourner les crédits de carbone entre plusieurs pays européens, en encaissant la TVA, sans jamais la reverser à l’Etat…

Ce marché du carbone se révèle extrêmement profitable pour des groupes que rien n’oblige à faire profiter les populations et les territoires des profits qu’ils retirent de leurs opérations. Ainsi, un opérateur de chauffage urbain peut moderniser sa centrale de chauffe en faisant payer les investissements par ses clients et réaliser, sur un quartier de 5000 logements, un profit de 460 000 euros en un an, en négociant, sur les marchés, les quotas issus de la réduction de production de carbone, sans obligation d’inscrire cette somme dans les résultats de l’entreprise en charge de la chaufferie, pour réduire par exemple la facture de chauffage des habitants : la somme ainsi gagnée remonte au groupe : c’est cela le résultat de la soumission aux règles du tout marché !

Et ce n’est pas l’éventualité de faire payer par les industriels entre 5 et 15% les quotas actuellement gratuits et d’utiliser la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité qui modifiera la nocivité du système !  

Comment croire que la création d’un « marché de capacités de production et d’effacement », avec des opérateurs soumis à l’exigence de rentabilité rapide et maximale, se soldera par autre chose que la recherche d’opportunités financières, loin des objectifs de fourniture à notre pays, à ses entreprises et à ses habitants, de l’électricité la moins chère possible, dans les meilleures conditions de sécurité et de sûreté ?

Qu’il s’agisse du chauffage urbain ou de la fourniture d’électricité, c’est bien l’ensemble du secteur de l’énergie qui se trouve ainsi concerné et légiférer à jets continus, pour libéraliser toujours plus, en prétendant hier que la marchandisation favorise la réduction de la production de C02 et maintenant un développement bénéfique aux usagers de la concurrence dans la fourniture de l’électricité, c’est tromper les gens, c’est là encore brader les intérêts collectifs de notre pays aux intérêts particuliers de financiers qui, fort logiquement, ont pour mission de faire gagner toujours plus d’argent à leurs employeurs et à leurs actionnaires. Et cela au moment où l’on sent bien que cette soumission au marché est de plus en plus contestée en France mais aussi dans le monde.

La 3ème raison de rejeter ce texte  est la conséquence logique des 2 premières : vous voulez aller vite, au prétexte que la Commission Européenne vous impose un tel texte, mais en fait, vous savez sa nocivité et vous craignez la grande sensibilité de nos compatriotes aux questions du prix de l’électricité, comme le montrent leur résistance aux sirènes du marché. Alors, plus vite cela ira, mieux vous espérez vous en sortir.

Vous avez ainsi déclaré en début de commission des Affaires Economiques que vous n’accepteriez aucun amendement, qu’il fallait donc que le texte soit voté conformément à celui qui a été adopté par le Sénat. C’est un simulacre de débat que vous voulez donc imposer sur ce texte. Alors, vous direz sans doute, comme vous le faites sur tous les textes, que le débat a eu lieu mais qu’étant majoritaire, vous avez refusé  toute modification au texte que vous vouliez imposer. Sauf que personne n’est dupe et la comparaison avec la réforme des retraites est encore édifiante.

Alors,

-         parce que votre texte est une étape supplémentaire dans la casse d’EDF, entreprise publique dont vous avez changé le statut et que vous voulez à présent contraindre à céder à ses concurrents 25% de sa production nucléaire,

-         parce que vous décidez d’augmenter les prix de l’électricité pour satisfaire les appétits des marchés et des spéculateurs,

-         parce qu’en agissant ainsi, vous mettez fin à une politique constante, née d’un accord entre toutes les forces politiques et sociales de notre pays, préservant l’électricité des règles du marché et que vous allez même aggraver, avec le marché de capacités, la soumission à ces règles,

-         parce que votre texte est contraire aux intérêts de notre pays, de son économie et de nos compatriotes,

-         parce que nous ne confondons pas les intérêts de notre pays avec ceux des marchés, nous estimons qu’une autre politique est possible et nécessaire, au plan national, qui préserve les intérêts de notre pays, avec la création d’un pôle public de l’énergie, dans le cadre d’une maîtrise publique associant tous les opérateurs, et une autre politique au plan européen, en travaillant à une Europe de l’énergie, assurant la fourniture à tous les pays et à leurs habitants d’une électricité accessible, dans le cadre d’un mix énergétique maîtrisé.

nous appelons à son rejet.

  

Epilogue : la loi a été votée le 25 11 2010 

promulgation probable en février 2011

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