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22 février 2021 1 22 /02 /février /2021 09:42

samedi 20 février 2021 Par

L’école maternelle représente un échelon fondamental pour favoriser l’« égalité des chances », pour que l’école publique, l’école de toutes et tous repose sur le principe du « tous et toutes capables ». Une politique scolaire qui se fixe pour objectif de combattre les inégalités, de favoriser la réussite de toutes et tous est beaucoup plus efficace quand elle est menée dès le plus jeune âge. Prendre des mesures plus tard, à la fin de l’élémentaire ou au collège, est souvent inopérant et, dans tous les cas, beaucoup plus lourd en termes d’investissement humain pour des résultats trop souvent peu concluants. La dernière note du CSP commandée par le ministre tourne le dos à ces objectifs tout en détournant l’école maternelle de ses missions spécifiques et en faisant un appendice de l’école élémentaire.

Les objectifs prioritaires des débuts de la scolarité sont de donner envie aux enfants de fréquenter l’école, d’assurer leur épanouissement, de créer les conditions afin qu’ils adoptent les attitudes qui leur permettent de devenir des élèves et de leur apprendre à parler en utilisant une syntaxe complexe.

Scolarité obligatoire dès 3 ans : une décision qui masque un recul de ce qui fait ou faisait l’excellence de l’école maternelle française mondialement reconnue

À partir d’une décision qui marque un progrès à relativiser puisque déjà 97 % d’une classe d’âge fréquentait l’école maternelle, le ministre Jean-Michel Blanquer en profite pour imposer une régression et dans le domaine pédagogique et sur la question des finalités de cette école. En instituant une sorte de conseil réduit à quelques neuroscientifiques et experts par lui désignés donc proches de ses convictions excluant les professionnels que sont les enseignants et enseignantes en exercice, il démolit ce qui longtemps a fait la fierté de notre école hors des frontières. Ajoutons à cela que cette mesure d’instruction obligatoire dès 3 ans renforce l’école privée que les collectivités territoriales seront obligées de financer favorisant ainsi le séparatisme scolaire, l’entre-soi des catégories les plus aisées de la population et la concurrence aux dépens de l’école publique.

Une obsession régressive des évaluations-tests aux dépens de la culture générale

L’orientation que le ministre tente de mettre en œuvre est de transformer l’école maternelle en une école préparant aux tests mathématiques-français et de pratiquer du bachotage pour obtenir de bons résultats aux évaluations des performances ciblées. Ce faisant, ils poussent les acteurs éducatifs à abandonner ou tout au moins à consacrer moins de temps aux autres apprentissages tout aussi importants.

l'école vue par Blanquer

L’expérience du Royaume-Uni devrait nous interpeller. Il y a quelques années des évaluations dans quelques domaines jugés essentiels étaient imposées. En fonction des résultats, les écoles percevaient plus ou moins de subventions. Le résultat, au bout de quelques temps, a été que si les élèves parvenaient à des niveaux corrects dans les domaines évalués, ils étaient d’un niveau faible dans les domaines comme la littérature, l’histoire, la culture en général… Depuis, les responsables britanniques ont fait machine arrière faisant le constat de l’inefficacité d’une telle politique car les enfants et l’éducation ne peuvent être réduits à des machines, à un produit marchand.

L’école maternelle : une école à part entière avec des pédagogies adaptées

L’école maternelle, de même que les premières années de l’école élémentaire, est un moment crucial pour aplanir les inégalités sociales qui entraînent de fortes inégalités scolaires. Pour cela, l’école maternelle ne doit pas se limiter aux « fondamentaux » et se contenter d’être l’antichambre de l’école élémentaire.

Dès 1881, l’inspectrice générale Pauline Kergomard définissait l’école maternelle comme n’étant « ni caserne, ni petite Sorbonne, ni garderie, ni école élémentaire » et sur le plan pédagogique avançait l’idée que « le jeu c’est le travail de l’enfant, c’est son métier, c’est sa vie ». Depuis le débat fait « rage » entre les partisans qui considèrent la maternelle comme une simple garderie et ceux la voyant comme préparant aux apprentissages de l’école élémentaire.

En 2008 sont promulgués des programmes directifs tournant le dos à la prise en compte des spécificités dues à l’âge des élèves accueillis. En 2015, les programmes permettent de penser l’école maternelle comme une école qui s’adapte aux jeunes enfants et organisent des modalités spécifiques d’apprentissage :

  • apprendre en jouant, en réfléchissant,
  • apprendre en résolvant des problèmes,
  • apprendre en s’exerçant,
  • apprendre en se remémorant et en mémorisant,
  • apprendre en parlant pour aller vers un langage de plus en plus complexe, complexité indispensable pour appréhender dans de bonnes conditions l’acquisition d’une lecture aisée et efficace.

Mettre en contact avec un langage adulte élaboré et faire parler

Les dédoublements se font trop souvent au détriment des autres classes. Cette réduction des effectifs doit permettre aux enseignantes et enseignants mais aussi aux ATSEM d’échanger avec chaque élève pour le mettre au contact d’un langage adulte élaboré employant ce que Laurence Lentin appelle des introducteurs de complexité tels que « qui », « que », « car », « parce que », « puisque »… Ceci est quasi impossible avec des effectifs de 30 et plus par classe. De tels effectifs, s’ils sont « indolores » pour des enfants qui entendent à la maison un langage élaboré, sont rédhibitoires pour ceux qui n’ont pas l’occasion d’entendre et d’utiliser un tel langage. Une telle situation entache l’avenir scolaire des élèves et ne peut qu’aggraver les inégalités pour parvenir à un bon niveau scolaire.

Des moyens insuffisants à l’heure actuelle

Une telle pédagogie et de telles finalités exigent des moyens matériels certes mais aussi et surtout des moyens humains : réseaux d’aide spécialisée dans chaque école pour assurer une

bonne mise en œuvre de la prévention, des ATSEM en nombre suffisant, une réelle réduction des effectifs par classe, dédoublement des classes, des effectifs par classe revus à la

baisse, des enseignants reconnus avec un salaire suffisant (les professeurs des écoles français effectuent dans l’année plus d’heures en présence des élèves que leurs homologues allemands et

perçoivent un salaire très inférieur)…

Une composition du CSP éloignée des réalités du terrain

En 2015, la composition du CSP (Conseil supérieur des programmes) comprenait des personnalités qui connaissaient l’école, le collège et le lycée. Avec Jean-Michel Blanquer, les membres du CSP connaissent le lycée et les classes préparatoires. En 2015, le CSP avait constitué un groupe de travail auquel participaient des directeurs d’école et des CPC. Avec Jean-Michel Blanquer, il n’y a pas d’acteurs de terrain et le ministre a choisi lui-même les experts du Conseil scientifique. Cela a pour conséquence de penser la maternelle sur le modèle de l’école élémentaire.

Une préconisation pédagogique inadaptée

Tournant le dos à la nécessité de faire parler les enfants, il est préconisé des cahiers de mots et la reformulation hors contexte de phrases. Est tenté de mettre en œuvre un formatage ou caporalisation réduisant les enseignants à de simples exécutants.

À côté de cela, il est constaté une baisse de la scolarisation des moins de 3 ans (3 6% entre 1990 et 2000, 12 % en 2011). Cette scolarisation, si les effectifs sont adaptés, permet aux enfants de développer des compétences langagières et sociales. Même si cette scolarisation ne doit pas être obligatoire, elle doit pouvoir être proposée dans les quartiers sensibles concentrant les plus grandes difficultés.

Sous des aspects qui paraissent relever du bon sens, le CSP définit l’objectif principal qui est « d’assurer à tous les enfants des acquisitions qui leur seront nécessaires pour aborder avec confiance le cours préparatoire ». Ce faisant, est préconisé une conception de développement de l’enfant qui consisterait à l’aide de « fondamentaux, de remplir un petit vide pour le faire grandir ». Il suffirait ainsi, selon le CSP, de le baigner dans des « jeux » de langage ou de mathématiques, selon Mireille Brigaudot (maîtresse de conférences en science du langage) qui reproche à ces préconisations une conception mécaniste des apprentissages scolaires. À la construction des concepts de nombre par exemple, le CSP oppose les exercices de répétitions, le recentrage sur l’utilisation et la connaissance qui devrait être postérieure à la compréhension profonde de ce qu’est le nombre. Le tropisme du résultat, d’où la multiplication des tests dès la petite section, devient le souci premier et formalise d’en haut les pédagogies en imposant l’utilisation des outils proposés par l’institution. Cela éloigne de la prise en compte de la réalité de la classe et des élèves, de l’observation concrète des élèves et de l’analyse de leurs besoins.

Piloter chaque niveau en fonction du niveau suivant est contre-productif et réducteur

Le CSP, à la demande du ministre, préconise des évaluations dès la petite section avec pour seul objectif de préparer les élèves à réussir les tests du CP. À piloter chaque étape du cursus scolaire par les seules exigences du niveau suivant, la maternelle par le primaire, le primaire par le collège, le collège par le lycée etc., est mis de côté la spécificité de chaque tranche d’âge et ainsi l’efficacité dans les apprentissages attendus.

Grande est ainsi la tentation de renoncer au « tous et toutes capables » en risquant de culpabiliser les familles en les rendant responsables de l’éventuel échec scolaire puisque ce qui est jugé dans les tests de la petite section c’est le niveau familial.

L’école maternelle, un moment essentiel pour devenir un élève

La mission de l’école maternelle est certes de préparer à l’entrée au CP, selon Christine Passerieux (conseillère pédagogique et membre du GFEN/Groupe Français d’Éducation Nouvelle) mais ce n’est pas la seule. L’école maternelle est une école à part entière et, à ce titre, un espace d’ouverture au monde. On ne naît pas élève, on le devient :

  • en rencontrant l’autre,
  • en s’appropriant des outils, des modes de faire et de dire,
  • en découvrant et en interagissant des œuvres patrimoniales et contemporaines dans tous les domaines,
  • en s’engageant au quotidien dans le plaisir d’apprendre.

Pour devenir un élève, il est indispensable de créer les conditions pour que enfant s’engage dans un processus d’ « acculturation » ou d’émancipation qui permettra une attitude ou posture de réflexion, de questionnement, de compréhension progressive du monde et de développement de l’imagination.

Tous ces aspects fondamentaux pour l’avenir des enfants et de la société sont absents de la note du CSP qui pratique, selon le désir conscient ou inconscient du ministre, plus les injonctions que les propositions à débattre et discuter.

Évaluer fait partie de l’acte d’enseignement pour prendre en compte l’état des connaissances des enfants et aussi et surtout, ce qui ne figure pas dans la note du CSP, de ce qu’ils comprennent des attendus de l’école et de la manière avec laquelle ils se les approprient.

L’école publique, une école pour toutes et tous

L’évaluation dès la petite section, c’est prendre le risque d’étiqueter les enfants et, indirectement, de les détourner du désir d’apprendre. L’évaluation à l’école ne peut se faire que sur les acquisitions de la scolarité. Il s’agit de distinguer l’évaluation contrôle de l’évaluation formative essentielle. Ne pas se préoccuper des conditions d’entrée de tous et toutes dans les apprentissages c’est empêcher tout ce qui fait que l’école maternelle de qualité peut réussir pour l’épanouissement présent et futur des enfants et pour lutter contre les inégalités. Le risque est grand de condamner les enfants à une assignation à résidence de leurs origines en limitant leur capacité à s’émanciper.

Serait ainsi acté la fin « de l’école publique, une école pour tous » et d’avaliser la ségrégation culturelle et sociale.

 

NDLA :

Article qui repose en partie sur les analyses du dossier de la revue n°230 de février 2021 Pour de la FSU, dossier consacré à la maternelle sous le titre « Maternelle, le consensus brisé ».

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23 novembre 2020 1 23 /11 /novembre /2020 08:50

Vu sur

Un syndicat créé et financé par le ministère de l'Education pour servir ses intérêts ? L'affaire révélée par «Mediapart» et «Libération» ne passe pas inaperçue auprès des organisations de jeunesse. La gauche demande une commission d'enquête parlementaire.

Le Mouvement national lycéen se dit  «sidéré d’apprendre» que l’organisation créée en 2018 était un «outil de propagande […] largement financé par le ministère pour faire pression sur les syndicats d’enseignants et d’élèves afin de les empêcher de mener à bien leurs luttes sociales».

Le syndicat de parent d’élève FCPE, de son côté, rappelle qu'«en tant qu’adulte, nous avons un devoir d’exemplarité. Si nous portons un regard bienveillant sur les activités militantes de nos enfants et leurs capacités d’autonomie, nous restons à leurs côtés pour qu’ils puissent en toute circonstance bénéficier d’un accompagnement sain, juste et honnête, à l’abri de toute tentative d’influence ou mainmise des institutions».

Vers une commission d’enquête

Jean-Michel Blanquer va devoir s’expliquer à l’Assemblée nationale. Le député LR du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont a posé une question écrite au gouvernement sur le sujet. La gauche parlementaire s’est aussi saisie du dossier et une proposition de résolution pour créer une commission d’enquête sur l’activité du syndicat Avenir lycéen et ses liens avec l’exécutif a été signée.

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19 octobre 2020 1 19 /10 /octobre /2020 08:24

 

dimanche 18 octobre 2020

La liberté, c’est toujours la liberté de ceux qui pensent différemment.

Rosa Luxemburg

Pour le mouvement révolutionnaire républicain, l’école publique, laïque et gratuite, est le lieu où se forge la communauté de discours et de pratiques qui institue l’espace public, c’est-à-dire la collectivité civique, le cadre même où doit se dérouler tout débat politique et social, faute de quoi la République n’est qu’un vain mot. C’est en ce sens que l’école forme les futurs citoyens : elle ne les formate pas mais leur donne les clés et la méthode pour comprendre le monde, se confronter aux opinions des autres, avancer par le débat vers des décisions et des convictions fondées en raison. C’est à l’école que s’acquiert l’éthique de la contradiction sans laquelle aucune émancipation collective n’est possible. C’est pour avoir fait son travail et exercé cette éthique de la contradiction en cours avec ses élèves que M. Samuel Paty, enseignant, fonctionnaire de l’école publique, a été assassiné par un fanatique.

Au-delà ou en-deçà de la liberté d’expression individuelle, le tueur a délibérément voulu punir cet apprentissage collectif du libre examen. Ce qui lui était odieux, comme à tous les prêcheurs d’arrière-mondes révélés par des textes sacrés, c’est l’idée que des citoyens en devenir puissent non seulement avoir des opinions divergentes, mais qu’ils et elles échangent librement et sereinement sur ces divergences. C’est l’idée qu’il existe un lieu, l’école, où ils et elles se mélangent, pour tisser ensemble la trame d’une communauté de principes républicains où chacun ait sa place sans ignorer les autres. Dans leur monde en noir et blanc, rien n’est plus dangereux que ce mélange, cette écoute, et cet apprentissage d’une loi qui transcende leurs différences et qui n’est pas la loi d’un dieu, mais l’universel rationnel, le Commun, tel qu’il émerge peu à peu du dialogue argumenté.

Certes, l’Infâme se dresse en tous siècles et en tous lieux pour diviser l’humanité et soumettre les masses à la tyrannie. Il trouve d’ailleurs un allié paradoxal dans le développement de « réseaux sociaux » censés faciliter l’information et le dialogue mais qui permettent aussi, voire surtout, la formation de bulles idéologiques autarciques, où règnent parfois, comme ce fut le cas ici, la calomnie, la délation et la haine. Partout et toujours, les mille visages de l’Infâme sont objectivement alliés, parfois tacitement comme ici le fanatisme islamiste et le racisme résurgent ; parfois ouvertement comme il y a peu, quand mille calottes censément différentes défilaient conjointement contre les droits des femmes ou ceux des couples de même sexe. Mais une étape dans l’horreur a été franchie vendredi, lorsqu’un fanatique a délibérément versé le sang de quelqu’un dont le crime supposé était de défendre, par le simple exercice de son métier, la liberté des autres. Le meurtre a été mis en scène comme une exécution, signalant par là que la loi collective, pour l’assassin, ne doit pas se fonder sur la parole multiple et libre de citoyens œuvrant continûment à leur propre émancipation, mais sur le Verbe jaloux d’un texte révélé. C’est l’idée même d’un gouvernement délibératif de l’humanité par l’humanité elle-même qu’il s’agissait de tuer par cet acte ignoble.

Plus que jamais, le combat pour l’émancipation individuelle et collective doit être repris à la base : la liaison du combat laïque, démocratique et antiraciste, et du combat social, contre toutes les formes d’oppression, tous les pouvoirs de la réaction, tous les obscurantismes, toutes les menées visant à fragmenter le corps social et politique en groupes aliénés, perdus pour l’intérêt général, incapables de construire ensemble les conditions de la liberté de toutes et tous. L’antiracisme radical et la séparation stricte de la loi humaine et des lois dites divines sont inséparables du combat pour l’appropriation collective du monde où nous vivons ensemble : il n’y aura de révolution socialiste, écologique et démocratique qu’à cette condition.

Contre l’Infâme, nous n’abandonnerons jamais la promesse de la liberté ni celle de l’universel.

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18 mai 2020 1 18 /05 /mai /2020 17:49
Tribune : Des hauts fonctionnaires du ministère dénoncent le projet réactionnaire de JM Blanquer 

"Nous observons, consternés, un système éducatif détourné de ses fondements républicains et de ses valeurs et ne pouvons nous taire". C'est un groupe d'une quinzaine de hauts fonctionnaires de ce même ministère (Dasen, inspecteurs généraux, cadres du ministère) qui nous a fait parvenir cette tribune. Les mentions de deux rapports internes non publiés de l'Inspection générale montre l'origine du texte. Ils dénoncent une "mise au pas" du ministère qui va des cadres aux enseignants de terrain astreints à suivre des guides pédagogiques. Plus que "l'aveuglement scientiste " de ce dernier, ils démontent les politiques menées par JM Blanquer depuis 2017. D'abord sur l'enseignement professionnel, officiellement "réévalué", alors que s'applique en fait un véritable hold up sur l'avenir des jeunes des lycées professionnels à qui on ferme toute perspective de poursuite d'études. Même logique pour les autres lycéens, engagés avec les E3C dans une course perpétuelle à la performance qui élimine les faibles. La "priorité au primaire", proclamée par JM Blanquer, est en fait la "priorité aux maternelles privées", favorisées par la loi Blanquer. Ainsi dénoncent-ils le "double discours permanent" de JM Blanquer "nourrissant une rhétorique d'une duplicité chronique". Pour les auteurs, attachés aux valeurs républicaines de l’École, la politique menée par JM Blanquer est profondément réactionnaire. Quelques jours après la tribune d'un haut fonctionnaire du ministère de l’Éducation nationale, ce nouveau texte témoigne du climat insupportable qui règne rue de Grenelle.

 

Nous, enseignants, formateurs, chercheurs, inspecteurs du premier et second degrés, inspecteurs généraux, directeurs académiques, cadres de l'administration centrale, sommes des témoins privilégiées et informés de la situation actuelle de l'école. Animer des équipes pédagogiques, diriger les services départementaux de l’Éducation nationale, piloter une circonscription, former des enseignants, enseigner les disciplines au programme, réfléchir à comment faire en sorte d'assurer au mieux la réussite de tous les élèves : tel est, depuis tant de temps pour les uns, moins longtemps pour d'autres, notre métier. Nous ne nous sentons pas partisans, et avons toujours été du côté des réformes quand celles-ci allaient dans le sens de l'amélioration des apprentissages et de l'épanouissement des élèves. L'esprit de chapelle nous est étranger et l'idée d'appartenir à un quelconque parti ou organisation qui nous aurait obligés à nous taire en cas de désaccord ne nous a jamais effleuré. Du reste, certains d'entre nous sont de « droite » et d'autres « de gauche » mais notre loyauté aux valeurs de l’École n’est d'aucun bord, elle est quotidienne. Et nous nous efforçons, au jour le jour, de la défendre et de la faire vivre de notre mieux.

 

Or aujourd'hui, nous ne pouvons plus nous taire. Au-delà même de la gestion chaotique du Covid 19 dans les écoles, au-delà, dans ce contexte complexe, des propos du ministre contradictoires, évasifs, ou immédiatement infirmés par le Premier ministre, nous considérons que ce serait une faute éthique et politique. Qu'observons-nous bien plus précisément que les journalistes, même les plus aguerris, n'écrivent ?

 

Nous voyons tout d'abord un immense mensonge.

 

En prétendant construire une école de la Confiance, le ministre et son Cabinet instaure un authentique climat de défiance. Dans ce climat aux ordres, le Cabinet ministériel manie contrôles, censures, dans un management autoritaire, fondé sur la suspicion, la menace, le verrouillage de toute expression qui ne serait pas « dans la ligne ». Les recteurs et les Directeurs académiques convoqués pour une grand messe qui nie leur marge d'autonomie et d'expertise. Ces procédés sont inédits, jamais vus à ce niveau dans l’École de la République ; les cadres que nous sommes les constatons, et les déplorons, soucieux que nous demeurons de ne pas confondre loyauté et soumission, conscience professionnelle et obéissance aveugle.

 

Les cadres que nous sommes y voient se déployer sans retenue, un double discours permanent, nourrissant une rhétorique d'une duplicité chronique  : cela passe par l'affirmation d'une priorité accordée au primaire, notamment dans la politique dite des fondamentaux et du dédoublement des classes (GS, CP et CE1), mais dans le même temps une relégation d'autres mesures parmi les plus efficaces (comme « plus de maîtres que de classes) au profit de dispositifs dont aucune étude ne permet à ce jour de mesurer l'efficacité réelle sur les apprentissages des élèves. Le seul juge de paix étant le ressenti du Ministre disant que tout va mieux là où aucun indicateur fiable ne peut le confirmer. L'affichage d'un discours sur l'Excellence en voie professionnelle est brandie alors que dans le même temps s'opère une dilution de la voie professionnelle publique sous statut scolaire en vue d'une disparition progressive du lycée professionnel mis en concurrence avec des organismes de formation privés et l'apprentissage. En voie générale des lycées, la réforme du Bac a montré son impréparation et aussi le fait que les élèves les mieux dotés socialement seraient, là encore, les plus à l'aise.

 

Mise au pas

 

Ce n'est pas seulement la liberté pédagogique des enseignants qui est mise à mal, mais aussi la liberté de pensée d'une Institution toute entière mise au pas. La liste serait longue, à la Prévert (mais malheureusement moins réjouissante) :  des enseignants à qui l'on distribue des « guides », au mépris de leur expertise, des inspecteurs du premier degré que l'on veut caporaliser, dont on réduit les missions à des fonctions de contrôle, des inspecteurs du second degré sommés de relayer des injonctions paradoxales, et de nier la réalité des difficultés de mise en œuvre sur le terrain, une Inspection générale de plus en plus technocratisée, réduite au contrôle et dépossédée de sa fonction d'expertise, des chercheurs en sciences de l'éducation, en sciences humaines et sociales que l'on stigmatise, ostracise, voire excommunie du débat d'idées inhérent à tout système éducatif dans un État de droit, des instances d'évaluation que l'on met au pas, voire que l'on remplace pour que le Ministre ne puisse disposer que des évaluations abondant dans le sens des réformes du ministère.

 

Ce sont encore des fonctionnaires et hauts-fonctionnaires purement et simplement dépossédés de leurs dossiers d'expertise au profit de technocrates plus soucieux de leur intérêt de carrière à court terme que de la qualité du service rendu compte tenu, au choix, de leur inexpérience ou de leur incompétence. Ou d'autres encore qui sans conscience ou par idéologie, peuvent enfin donner libre cours à leur autoritarisme spontané.

 

Les enseignants du premier degré sont quant à eux renvoyés à un statut de simple exécutants, suspendus à des préconisations d'une neuroscience devenue toute puissante et intolérante aux autres sciences de l'éducation. Des inspecteurs territoriaux deviennent contraints de surveiller et obligés de se faire, eux-mêmes et à leur corps défendant, des exécutants aux ordres, malgré leur ressentiment, malgré parfois leur honte (une phrase revient souvent dans toutes les académies, à presque tous les postes sans que le Cabinet n'en ait cure : « jusqu'où pourrons-nous nous regarder dans la glace le matin ?  » ; « nous avons l'impression de nous renier nous-mêmes », etc.). Les agents publics sont amenés à faire passer les réformes venues d'en haut, au mépris même de leur autonomie et de leur conceptions éducatives. 

 

Scientisme

 

Nous, cadres, observons également un aveuglement scientiste : le Ministre, dès son arrivée rue de Grenelle, a voulu donner une caution scientifique colorée de modernité à ce qui ne relève que de mesures idéologiques marquées dans les faits du sceau d'une pensée conservatrice et néolibérale sommaire. L'installation, sous la houlette directe du ministère et au détriment d'instances existantes d'évaluation du système scolaire, du Conseil Scientifique de l’Éducation nationale en témoigne. Ici, ne règne qu'une vision de la recherche cognitive, sans la didactique, sans les sciences de l'éducation, ni la sociologie de l'école. « Tout se joue dans le cerveau » dit le ministre. Vive l'imagerie du cerveau. À bas les 100 ans de recherches pluridisciplinaires sur l'école ! La communication ministérielle est formelle, en laissant croire que la simple « remédiation »  technique, fondée sur des procédures et des protocoles, sur du « pilotage par les preuves » suite à des tests de positionnement pourra vaincre la difficulté scolaire. Les neurosciences (et encore, une école particulière) sont érigées au rang de nouvelle doctrine pédagogique au détriment du savoir-faire des enseignants et des personnels d'encadrement de terrain ; elles se substituent ainsi à la compréhension des enjeux culturels, sociaux et cognitifs des apprentissages scolaires. Le numérique éducatif, alpha et oméga de la pensée pédagogique actuelle, sert de cheval de Troie pour infiltrer les pratiques pédagogiques et offrir l'échec scolaire en marché aux éditeurs numériques et opérateurs privés. Les annonces récentes du Ministre au moment du déconfinement sur l'importance future de l'enseignement à distance vont bien dans ce sens. L'invasion des soft skills issues de l'idéologie néolibérale, reprenant les théories béhavioristes les plus éculées, contaminent le champ éducatif comme nouveau modèle de compétences centré sur l'individu au détriment des valeurs du collectif. Un détournement des thématiques de la personnalisation, de l'individualisation vient achever le travail en faisant porter sur les individus et non plus sur le collectif et les choix politiques la réussite des personnes ou de leur propre échec dans le système. 

 

Un projet réactionnaire

 

Nous contemplons aussi, atterrés au quotidien, des mesures dites « pour la justice sociale » qui ne font qu'augmenter les inégalités sociales devant l'école.

 

En voie générale, sous le prétexte de l'exigence et du rehaussement du niveau, le ministre rétablit une culture élitiste qui trie, hiérarchise et sélectionne les élèves, mettant en place la compétition de tous et l'élimination des plus faibles au fur et à mesure du cursus scolaire. La réforme du Bac soumet les familles à une carte des enseignements de spécialités créant des inégalités territoriales de fait. Les E3C soumettent à une pression certificative permanente les élèves et leurs enseignants; dénoncées par les Chefs d'établissement et par une note interne de l'Inspection générale, perturbées dans plusieurs établissements, générant anxiété des élèves, pression permanente de tous et difficultés de mise en œuvre, ces épreuves ne servent que des logiques évaluatives au détriment des logiques de formation.

 

En voie professionnelle, alors qu'une large part du projet de démocratisation de l’École a reposé sur l'accès de ces élèves à l'enseignement supérieur, les bacheliers professionnels ont été dépossédés à bas bruit des disciplines de l'enseignement général par une baisse drastique des horaires, ce qui leur interdit désormais tout projet de poursuites d'études. Cette saignée horaire des disciplines générales en lycée professionnel, dénoncée par les enseignants comme on crie dans le désert, attente aussi à un enseignement émancipateur, levier majeur de l'intégration des élèves issus des milieux populaires. Cette politique consiste, de fait, à séparer les LP du paysage scolaire français en les arrimant au monde de l'entreprise et à une vision surannée et irréelle de l'apprentissage.

 

Dans le primaire et au collège, la liste est longue  encore des entorses à notre Pacte républicain autour de l’École : une priorisation accordée à la maternelle privée (avec l'obligation scolaire à 3 ans) quand les maternelles publiques manquent de moyens ; une instrumentalisation de la thématique de l'échec scolaire pour rogner sur les moyens attribués à l’Éducation prioritaire (dont le nom même s'efface du portail internet du ministère) ; l'abandon de la dimension pédagogique de l’Éducation Prioritaire se faisant, au profit du thème, politiquement fort, de la ruralité. Nous dénonçons, en tant qu'acteurs de terrain et pilotes de ces réseaux, le détricotage progressif de cette politique œuvrant depuis des années à comprendre et à agir sur les difficultés des élèves les plus éloignés de l’École.

 

Éducation à la citoyenneté et laïcité dévoyés

 

Et pour aggraver encore le constat, le Ministre a choisi une mise en scène d'un  traitement « sage » de la question de la laïcité scolaire tout en nommant un Conseil des Sages composé de membres dont certains sont très nerveux sur ces questions sensibles, contribuant ainsi à une irresponsable hystérisation du débat médiatique sur l'islam. Ce principe de laïcité scolaire, auquel nous tenons tant, se dit parfois au mépris de la loi, par le Ministre lui-même. À ce titre, l'instrumentalisation de la laïcité à des fins politiques, est  heureusement contrôlée par les acteurs de terrain que nous sommes et... le Premier ministre lui-même au sujet des mamans accompagnatrices. Une instrumentalisation qui s'étend aussi aux questions liées aux banlieues, et au mépris des travaux existants. Mais il est vrai qu'il s'agit souvent de travaux sociologiques que le ministre renvoie, d'une formule de slogan, à des bourdieuseries sans intérêt et fausses.

 

Pourtant, le Ministre se voulait offensif sur la question de la citoyenneté : n'a-t-il pas annoncé un ajout au tryptique républicain : Liberté, égalité, fraternité et Respecter autrui ? Il s'agit là encore de l'énonciation d'une formule (« respecter autrui ») dont, nous, acteurs de terrain situés à tous les échelons de l'Institution, pouvons certifier du fait qu'aucune action ne vient appuyer cette intention, réduite à une formule d'affichage réservée à la communication médiatique ministérielle. Le Conseil Supérieur des Programmes a consciencieusement vidé de sa substance pédagogique l'enseignement moral et civique (EMC) par un ajustement de ces programmes deux ans à peine après sa mise en place. Verrouillage, contrôle et reprise en main sont là aussi à l'ordre du jour. De même, rien ne vient favoriser les formations d'enseignants sur ce « respecter autrui » dont l'exemple le plus net est la formation statutaire des enseignants du premier degré qui, cantonnés aux « fondamentaux » que seraient le français et les mathématiques, évacue tous les domaines de la culture (tant scientifique, humaniste, artistique, historique que géographique). La formation statutaire des cadres suit le même chemin dans un Institut (l'IH2EF) dévolu désormais uniquement à la passation des consignes ministérielles. Le ministère ferait bien d'initier dans ses logiques quotidiennes ce « respecter autrui » si absent de ses propres fonctionnements, comme un rapport de l'Inspection générale vient de le pointer, notamment au sujet de l'organisation interne de la rue de Grenelle et de la Dgesco en particulier.

 

Nous, cadres de l’Éducation nationale, confondus par la situation faite à l’École de la République, ne pouvons nous résoudre à cet état de fait et prenons la responsabilité d'écrire ici pour, qu'au moins, nous puissions nous regarder en face et nous dire que nous avons prévenu du tournant qu'avait pris l’École. Car au-delà de telle ou telle mesure, c'est bien la philosophie d'ensemble qui vient heurter nos valeurs. La culture ministérielle actuelle est éloignée, de fait, de la culture professionnelle enseignante et de terrain. Le Ministre entend aujourd'hui piloter de façon autoritaire des réformes sans construire l'adhésion des enseignants et sans prendre en compte l'expertise des personnels d'encadrement. Symptomatiquement, la loi « pour l'école de la confiance » couvre de facto une politique de la défiance inédite à l'égard du pédagogique. Le plus grave est là. Nous observons, consternés, un système éducatif détourné de ses fondements républicains et de ses valeurs et ne pouvons nous taire. Le terrifiant verrouillage en cours du débat démocratique sur les enjeux et les finalités d'une École pour tous ne se fera pas avec notre contribution car nous ne voulons pas, nous, enseignants, formateurs, chercheurs, inspecteurs du premier et second degrés,  inspecteurs généraux, directeurs académiques, cadres de l'administration centrale, trahir l’École de la République et ses idéaux.

 

Groupe Grenelle

 

La tribune de Maurice Danicourt

Faillite des relations humaines au ministère

Le directeur de cabinet siège à l'Ifrap

 

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11 mai 2020 1 11 /05 /mai /2020 09:22

 

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11 juillet 2019 4 11 /07 /juillet /2019 08:15

Madame, Monsieur,


L’Éducation nationale prévoit la fermeture de plusieurs centaines d’écoles en zone rurale à la rentrée prochaine, pour concentrer les élèves dans de grands établissements, et pour réaffecter des professeurs en ville, dans les zones prioritaires où le gouvernement a promis des classes de douze élèves pour les CP et CE1.


Aider les enfants des ZEP en difficulté est un objectif louable, mais doit-il se faire au détriment de nos enfants, dont le seul tort est de vivre à la campagne ? La dynamisation des territoires reculés est également un objectif politique : elle ne se fera pas sans écoles – aucune famille ne viendrait s’installer dans un désert scolaire !


Rejoignez la pétition au ministre de l’Éducation, pour qu’il stoppe cette vague de fermetures de classes : "Non aux déserts scolaires !"

 

 

Ce sont encore 400 écoles qui vont disparaître à la rentrée prochaine !


Une fois de plus, ce sont les classes rurales qui vont être sacrifiées. Rien que dans la Somme, il y a 30 écoles qui vont fermer !


Dans certains endroits, les enfants seront obligés de faire bien plus d’une heure de bus pour aller à l’école tous les matins, parce que leur classe aura été supprimée et "fusionnée" avec une école lointaine.


Dans la presse, on annonce clairement "la fin des petites écoles de campagne" !


L’année dernière, 808 classes avaient déjà fermé dans les zones rurales.


Si l’on reste sans réagir, ce sera de pire en pire : de véritables déserts scolaires sont en train de se mettre en place, qui vont enclaver encore plus les territoires les plus reculés : des successions de villages, des zones entières, sans un enfant, faute d’école. Les familles qui restaient jusque-là vont déserter ces endroits pour s’agglutiner près des villes.


Alors quoi, doit-on tous aller vivre en ville pour que les enfants aient accès à un service public d’éducation décent ? Les agriculteurs doivent-ils obligatoirement choisir entre abandonner leur métier et aller en ville, ou rester à la campagne et envoyer leurs enfants en internat ?


Ceux qui habitent des petites villes et des villages y sont attachés. La plupart y ont leurs racines, d’autres sont venus y trouver la qualité de vie qui leur convient. Ils font vivre le tissu économique local, ils entreprennent, ils paient leur part d’impôts, et ce qu’ils demandent est simple : un peu de respect pour leur famille, et qu’on permette à leurs enfants d’être scolarisés dans des conditions acceptables.


Et qu’on arrête cette vague de fermetures délirante, où on supprime des classes à la campagne sous prétexte qu’il n’y a que vingt élèves, pour pouvoir permettre à d’autres d’être douze !

Qu’on ne nous dise pas que c’est une question de budget : un rapport du ministère de l’Éducation nationale montre que la part du personnel "non enseignant" (administration, personnel du ministère, des rectorats…), sur ses 1,1 million d’agents, atteint près de 20 %, pour un tiers de l’enveloppe salaires !


Ces dépenses généreuses mais superflues pourraient être réaffectées dans l’embauche de réels professeurs, et on pourrait ainsi garantir à nos enfants une école décente, sans augmenter d’un centime le budget de l’Éducation nationale.


En juillet 2017, le président de la République avait promis qu’il "n’y aura[it] plus de fermetures de classes dans les écoles primaires" des territoires "les plus ruraux".


Il faut faire pression pour que cette promesse soit tenue : rejoignez la pétition au ministre de l’Éducation !

Après avoir signé la pétition, s’il vous plaît, transférez ce message à vos amis, pour leur demander de rejoindre à leur tour la mobilisation : faites-leur savoir que 400 écoles vont fermer, et que ce sera encore pire en restant sans rien faire.


Et ensuite, n’hésitez pas à partager la pétition sur vos réseaux sociaux :
https://www.citizaction.fr/petition/non-aux-deserts-scolaires/

 

JE SIGNE LA PÉTITION

Références :

"Rentrée 2019 : vers la fin des petites écoles de campagne" (Le Parisien, 1er juillet 2019)
"400 écoles rurales vont fermer contrairement à la promesse de Macron" (Huffington Post, 1er juillet 2019)
"Fermetures de classes : les territoires ruraux en alerte" (Europe 1, 20 février 2018)
"Fermeture de classes : la fronde des écoles rurales qui s’estiment sacrifiées" (La Dépêche, 10 février 2018)
"L’Éducation nationale en chiffres" (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, 2017, ISBN 978-2-11-151754-7)

 

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20 décembre 2018 4 20 /12 /décembre /2018 15:59

 

L'Humanité.fr Mercredi, 19 Décembre, 2018
Une enseignante y est convoquée après avoir publié un texte ironique sur un site indépendant à propos de la prestation télévisée d’Emmanuel Macron de la semaine passée. 
Le rectorat de l’Académie de Dijon veille à ce que l’ordre règne en Macronie. Une professeure de Lettres au lycée le Castel de la capitale bourguignonne, Sophie Carrouge, y est convoquée par la direction des ressources humaines après avoir publié sur un site indépendant, Disjoncter info, un texte ironique après la prestation télévisée d’Emmanuel Macron la semaine passée. Datée du 13 décembre la convocation évoquant directement la publication de ce texte  stipule laconiquement « Je vous demande donc de bien vouloir vous présenter à l’entretien prévu le jeudi 20 décembre à 15 heures 30 ». 
 
« Le grand chef blanc, écrivait-elle, a parlé treize minutes pour apaiser le ressentiment de millions d’indiens. Le grand chef blanc, au début de sa palabre, a prévenu que si les millions d’indiens continuaient de lui courir sur le calumet, il allait être intraitable pour rétablir l’ordre. Il en va de l’autorité du grand tipi de l’Élysée. Le grand chef blanc accorde une part de bison fumé supplémentaire pour les fêtes et chaque mois, les vieux indiens recevront une galette de maïs et une bouteille d’eau de feu ». Et plus loin, « Emmanuel Macron pendant treize minutes a montré son vrai visage, mains sur la table, yeux rivés au prompteur avec l’empathie du dompteur pour le lion. Saute dans le cerceau, français en gilet jaune ou pas, et ferme ta gueule.»
 
Au pays de Voltaire le rectorat ne goûte guère la charge. Ce qui a toutes les allures d’un véritable abus de pouvoir a vivement fait réagir les personnels enseignants, administratifs et les parents d’élèves du lycée concerné. Appelant à un rassemblement aujourd’hui à 15 h15 devant le rectorat. Ils écrivent dans un communiqué :
« Nous, personnels de l’Éducation Nationale, parents d'élèves, représentants syndicaux du lycée le Castel, avons appris avec consternation la convocation de l'une de nos collègues par le rectorat, suite à l'écriture d'une tribune dans une publication dijonnaise. Nous l'assurons collectivement de tout notre soutien. Dans la période de mobilisation actuelle contre les différentes réformes dans l’Éducation nationale, une telle convocation apparaît comme une volonté de faire pression sur l'enseignante et de faire taire toute expression de contestation. Un tel contre-feu ne nous empêchera pas de nous mobiliser contre les réformes en cours. Où est la « liberté d'expression » dans « l'école de la confiance »? 
Le même communiqué rappelle la volonté des personnels d’être reçus par la rectrice d’Académie sur leurs revendications.
Maurice Ulrich
Par Ailleurs la professeure concernée, Sophie  Carrouge nous a fait parvenir le texte suivant :
 "1968-2018. Le cinquantenaire du joli mois de mai. Et chacun de s’extasier benoîtement devant l’inventivité des slogans, des affiches, des modes de lutte. Même si la « commémoration » n’est pas celle du 11 novembre et que le président n’a pas fait de périple mémoriel rue Gay Lussac, il n’empêche que 68 se retrouve muséifié et que les enseignants peuvent analyser par exemple la fameuse photographie de Dany-le-Rouge face aux CRS. De même, en tant que professeur de lettres on m’encourage à faire étudier les textes les plus subversifs de l’histoire de la littérature qui, bien entendu, selon les programmes de l’éducation nationale, nous-ont-permis-de-devenir-ce-que-nous-sommes, c’est-à-dire des citoyens libres de circuler, de penser, de manifester. Je n’aurai pas l’audace de me comparer à tous ceux qui, dans le passé, ont risqué leur peau pour que vivent leurs idées. Moi, j’ai juste écrit dans mon coin un texte mal embouché, révoltée par les treize minutes d’allocution d’Emmanuel Macron et qui a été publié sur un site étiqueté libertaire et protestataire. Je l’ai signé et, audace suprême, j’ai cité ma fonction, enseignante, et le nom de mon lycée. Pour cette raison et d’autres peut-être, me voilà convoquée au rectorat de mon académie par le service des ressources humaines et je suppose que je devrais rendre des comptes à ma hiérarchie sur le « droit de réserve » aussi insaisissable que l’Arlésienne mais que j’ai apparemment bafoué. Et cela, c’est grave, plus grave que les violences policières contre nos élèves, plus qu’une réforme du lycée qui réinvente la lutte des classes, plus qu’un monde qui ressemble à une dystopie de roman d’anticipation des années 50. L’Education nationale a le sens des priorités. S’en prendre à une enseignante qui depuis 30 ans fait son travail et le fait correctement est une urgence beaucoup plus urgente que de proposer une réforme qui corrigerait les inégalités sociales et ne serait pas une machine à broyer les cerveaux et les cœurs."
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31 août 2017 4 31 /08 /août /2017 08:23

Ce lundi 28 août 2017, dès 17 h les gens commencent à se rassembler sur le parc de stationnement du Thar à la Haye-Pesnel, afin d’obtenir, après le maintien d’une classe de troisième au collège in extrémis fin juin, le rétablissement de toutes les heures de fonctionnement.

Il en faudrait 390 pour l’ensemble des classes alors que la dotation n’est que de 369 h et demi.

Les enseignants étaient présents aux côtés des parents d’élève.

Vers 17 h 30 les quelques 200 personnes présentes, comptant de nombreux enfants qui devront dans quelques années rejoindre le collège, s’ébranle vers la place de la mairie, où un débat est prévu vers 19 h 30.

Un tracteur devant et un autre derrière pour sécuriser la petite troupe qui déambule lentement vers le lieu final, et la gendarmerie qui dévie les véhicules et les trop nombreux camions qui empruntent le centre de la bourgade.

Tout ceci est bon enfant sous un soleil de plomb.

A l’heure dite, arrivent, l’inspecteur d’académie M. LHUISSIER, le député LREM M. SORRE, et la principale du collège Mme HASSIG, la table octogonale se compose avec la présidente des parents d’élève du collège Mme CHARTRAIN, le maire de la Haye Pesnel M. NAVARRET, des élèves, et le représentant des professeur M. MANSOUR.

La présidente des parents d’élèves rappelle rapidement la situation justifiant cette réunion.

L’inspecteur reconnaît une sous évaluation et ce dès le début de l’année civile, ajoutant que plus les établissements sont petits plus ils sont touchés (pénalisés serait plus juste) par l’effet de seuil.

Le représentant des professeurs évoque le caractère illégal de la réduction de la dotation horaire, menaçant d’un recours devant le tribunal administratif.

Le maire de la Haye Pesnel souligne à juste titre que le compte n’est pas bon.

Le meilleur est réservé au député qui annonce qu’un compromis est nécessaire après des concessions de part et d’autre.

En peu de temps il est passé de l’éducation nationale à l’usage quasi parfait de la langue de bois.

Résultat, les parents d’élèves évoquent le blocage de l’établissement et les enseignants du collège menacent de faire grève à la rentrée.

Il est certain que la situation ne peut que se durcir.

Les déclarations du ministre de l’éducation nationale pourfendant ce qui a été entrepris par sa prédécesseure ne sont pas de nature à rassurer les parents d’élèves.

La tension ne doit pas retomber, et l’heure est à la mobilisation générale de l’ensemble des citoyens face à une politique de réduction.

 

Joël BELLENFANT

 

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9 janvier 2017 1 09 /01 /janvier /2017 17:34

Depuis plusieurs mois, les enseignant-e-s des lycées anciennement classés ZEP se mobilisent pour le maintien de leurs établissements au sein de l'éducation prioritaire.
 

La réforme instituant les réseaux d'éducation prioritaire (REP) effectuée par Najat Vallaud-Belkacem en 2014 en plus de réviser à la baisse le nombre d' établissements concernés, l'a cantonné au collège. La question des lycées était renvoyée à plus tard c'est-à-dire quasiment enterrée.

Le coup était rude pour les personnels concernés et les jeunes en formation compte tenu des difficultés rencontrées.

Le collectif « Touche pas à ma ZEP » regroupe des dizaines de lycées et de lycées professionnels.

La mobilisation massive, la grève en novembre 2016, les grèves reconduites et les manifestations de début janvier 2017, les opérations « lycée désert » visent à contraindre la ministre de l'éducation à maintenir les lycées dans le cadre de l'éducation prioritaire.

Les annonces ministérielles faites jusqu'ici ne sont pas jugées satisfaisantes par les grévistes : mesures de compensation des primes reconduites seulement jusqu 'en 2020, promesse de 450 postes à la rentrée 2017 pris sur le contingent déjà prévu par académie et sans aucune transparence dans leur attribution.

C'est pourquoi la lutte continue : « Nuit de la ZEP » le 9 janvier à Saint-Denis, grève nationale et manifestation le 10 janvier.

« Ensemble! » soutient les revendications et les actions du collectif « Touche pas à ma ZEP » et ses exigences en termes de moyens pérennes, d'une carte élargie des établissements disposant d'un label unique.

Ce qui est en question, c'est la qualité de l'éducation dans des quartiers déjà victimes des conséquences catastrophiques de la crise économique.

Une fois encore le gouvernement qui dit vouloir protéger les plus fragiles, montre que ses paroles ne sont pas en accord avec ses actes. Or l’avenir de secteurs de la population déjà tellement fragilisés est en jeu, et la priorité est là !

Le 8 janvier 2017.

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5 décembre 2014 5 05 /12 /décembre /2014 07:50
LA MAUVAISE CARTE DES REP
La nouvelle carte de répartition des 1 082 réseaux d’éducation prioritaire mobilise contre elle les exclus des réseaux, sortis du dispositif ou ceux qui n’entrent pas dans les critères du ministère 
de l’Éducation nationale. Les enseignants et parents d’élèves dénoncent la logique strictement administrative et comptable du choix des réseaux déconnectés 
des besoins réels.
  • Cherbourg: Communiqué de presse de la Gauche debout sur l’avenir des écoles Robert Doisneau et Jean Jaurès
Suite aux communications des services académiques de l’Education Nationale le mardi 2 décembre 2014, l’école Robert Doisneau sort du réseau d’éducation prioritaire. Les parents et les acteurs de l’école, surpris, s’indignent de cette décision brutale et infondée. En effet, les élèves de l’école viennent lire la suite

          

  Déclaration de Clément Dirson, coresponsable du Syndicat national de l’enseignement secondairede l’académie de Créteil dans l'humanité du 4 décembre lire ici

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