Discours prononcé pour l’inauguration de la rue Amboise Croizat à Ganville par la présidente du Comité des usagers pour la défense de hôpital public de proximité.
A Vierzon, le 23 octobre, s’est tenue la rencontre nationale d’élus et de représentants des Comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité. Réunion orchestrée par le Maire de Vierzon.
Il a été débattu des difficultés des établissements hospitaliers et 5 actions communes ont été décidées à l’issue de cette journée :
- de lancer un appel commun (pétition change.org) ;
- de distribuer une lettre à tous les Maires lors du congrès de Maires les 20, 21 et 22 novembre à Paris ;
- de demander un rendez vous auprès de Mme Agnès Buzyn, Ministre des solidarité et de la Santé ;
- d’organiser une action locale le 1er décembre ;
- d’essayer, si possible, d’organiser un référendum d’initiative locale les 26 et 27 janvier 2019.
Ce qui nous rassemble donc aujourd’hui ,
C’est celle qui nous permet de nous soigner, d’avoir accès aux allocations familiales, de bénéficier d’une retraite.
Elle à plus de 70 ans, elle nous concerne TOUS (66 millions) quotidiennement tout au long de notre vie….et pourtant son histoire reste inconnue pour bon nombre de citoyens !
Vous l’avez reconnue, bien sûr : c’est la Sécurité Sociale !
- d’où vient-elle ?
- comment a-t -elle été possible ? sur quelle base ?
- qui sont ses bâtisseurs ?
- qu’est-elle devenue au fil des décennies
Dans l’esprit des gens, la Sécu, c’est de l’administratif. On en parle quand on parle se son déficit « le trou de la Sécu !» Et pourtant c’est bien autre chose : un belle histoire sociale !
Un rêve que tous les peuples font : « Pouvoir vivre sans l’angoisse du lendemain »
Durant la deuxième guerre mondiale, dans la clandestinité, le CNR (Conseil National de la Résistance) avait défini un ensemble de propositions pour se prémunir socialement et économiquement contre les effets de la finance, pour faire que la France soit autonome sur le plan industriel mais aussi dans le souci d’émancipation des citoyens afin qu’ils soient acteurs conscients éveillés.
Le programme bien nommé « les jours heureux ».
Ce programme fut la base des ordonnances de 1945 instituant la Sécurité Sociale.
En effet, a la sortie de cette guerre, il existait déjà des caisses, des mutuelles, « les assurances sociales », mais elles ne couvraient qu’un tiers de la population, avec des remboursements limités. Les fondateurs de la Sécu, enthousiastes, optimistes, voulaient parvenir à généraliser la Sécu à toute la population.
Son financement était prévu par les cotisations des salariés et des patrons. Son budget géré par les représentants des salariés qui détenaient 75% et le patronat 25%.
1945 - 2 ordonnances concernant : les risques maladie, la maternité, l’invalidité, la vieillesse et le décès.
1946 - 3 ordonnances : celle qui posait le principe de généralisation de la Sécu, puis celle des allocations familiales étendues à toute la population et celle qui précisait le système de réparation en cas d’accident du travail.
L’assurance chômage aurait dû intégré la Sécu ! Mais si les forces réactionnaires faisaient profil bas au sortir de la guerre, très vite l’idéologie libérale reprit du poil de la bête !
Dès sa création, ce système solidaire universel qu’est la Sécu, s’est trouvé des opposants :
Le patronat bien sûr, mais aussi les mutuelles qui perdaient leurs prérogatives, la médecine générale qui craignait d’être étatisée, même l’église qui se voyait perdre ses caisses de solidarité. Ce qui fait que les indépendants, les commerçants et les artisans ont refusé. Seul l’ensemble des salariés du commerce et de l’industrie fut couvert par la Sécu.
Il faut réaliser que ce sont des milliers et des milliers de gens, avec les militants communistes et les syndicalistes CGT qui ont mis toute leur énergie, leur temps libre pour mettre en place les caisses maladie, de retraite, d’allocations familiales dans tous les départements…en moins d’un an !
Ceci sous la gouvernance d’Ambroise Croizat, ministre du travail, ministre communiste ! Pas du goût de tout le monde ! Difficilement supportable !
De 1960 à 1967 – Les salariés perdent de leur pouvoir à la direction de la Sécu qui doit répondre à une logique gestionnaire.
1967 – Les ordonnances Jeanneney établissent le paritarisme dans son administration 50% aux salariés, 50% aux patronat. De Gaulle sépare les risques en 4 caisses distinctes.
Les années 80 vont faire basculer d’une logique sociale à une étatisation à une conception technocratique, cette belle institution. Jusqu’en 2004, où il n’y a plus de représentants de salariés dans le processus de décision ; les syndicats n’ont plus qu’un avis consultatif.
C’est Alain Juppé qui fait rentrer la finance plutôt qu’augmenter les cotisations.
Et les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de réduire les moyens de la Sécu, sans pour autant régler son déficit ! Mais en créant un appel d’air pour le secteur privé.
On a vu l’instauration de la T2A (tarification à l’acte) pour financer les hôpitaux et permettre aux cliniques privées de choisir les actes les plus rentables.
La loi Bachelot qui créait l’ARS ( Agence Régionale de Santé) qui a tout pouvoir, étant le bras armé de l’appareil d’Etat.
Les réformes Touraine avec le développement des dépassements d’honoraires, la gestion des hôpitaux comme des entreprises.
Et le gouvernement Macron - Buzyn jouent la suite logique avec sa réforme « ma santé 2022 » qui ne se préoccupe que la médecine générale, qui fait payer la santé par la CSG (Contribution Sociale Généralisée), qui instaure la retraite par points, qui, avec le prélèvement de l’impôt à la source sur les salaires, rendra encore plus opaque la part des cotisations sociales….
Ainsi ont expliquera qu’on ne peut plus financer la Sécu comme après la guerre « c’est ringard ! », « non au monopole de la Sécu ! ».
630 milliards, tel est le budget annuel de la Sécu, qui échappe à la loi du marché ! On comprend l’impatience des assurances privées !
Des dépenses qui augmentent bien sûr avec l’augmentation de la durée de vie.
Et on ne pourrait pas plus garder le principe solidaire d’une Sécurité Sociale « chacun cotise selon ses moyens, chacun reçoit selon ses besoins ».
N’oublions pas que nos cotisations sont une partie de notre salaire, c’est du salaire socialisé. Et jusqu’en 1991 la Sécu était financée à 90% par nos cotisations, aujourd’hui à 60%.
Bien sûr le chômage, les salaires de misère, mais pas que…les cadeaux faits aux riches :
- le CICE (Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi) 40 à 50 milliards et qui ne crée pas d’emplois ;
- la suppression de l’ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune) qui ne ruisselle pas ;
- les exonérations des cotisations patronales et bientôt les cotisations salariales, 60 à 70 milliards ! C’est du vol !
- l’évasion fiscale.
Des cadeaux donc moins de recettes. Et parallèlement le gouvernement rend les mutuelles complémentaires obligatoires, augmente les déremboursements, le reste à charge, ferme les services hospitaliers, supprime des milliers de postes de soignants, vote un PLFSS (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale) dont le montant est loin des besoins.
TOUT est fait pour réduire la place de la Sécu sous prétexte d’économies. Or le coût de la gestion de la Sécu est de 6% de son budget, les complémentaires privées qui se concurrencent dépensent 23% de leur budget en marketing.
Alors, suffit les discours sur le « trou de la Sécu », sur le coût des dépenses sociales « les charges ». L’argent de la Sécu appartient aux assurés sociaux. Cotiser donne des droits, c’est le contraire de la charité.
Nous voulons une Santé du XXIème 100% Sécu, fidèle aux principes fondateurs de 1945, qui réponde aux besoins actuels de la population : prévention, soins, perte d’autonomie.
Et s’il est vrai qu’il y a excédent, nous exigeons que cet argent aille à la Sécu et non pour renflouer les caisses de l’État.
C’est pourquoi, aujourd’hui nous aimerions rendre hommage, un hommage discret mais non moins sincère, à un des fondateurs de la Sécurité Sociale : Ambroise Croizat.

Né en 1901 d’un père métallurgiste Savoyard qui lancera une grève importante pour la protection sociale en 1906. Ambroise Croizat prend la relève dès l’âge de 17 ans :
Il adhère à la CGT, il anime de nombreuses grèves.
Présent dès le début des grandes grèves des métallos de1936, il encourage à l’étendre à tous les secteurs. Il veut faire germer les acquis obtenus par le Front Populaire.
Il se bat pour imposer des conventions collectives écrites pour mettre fin au bon vouloir des patrons.
Parallèlement il encourage une politique sociale et culturelle avec priorité aux enfants et aux anciens. Mais disait-il « gardons nous de les considérer comme acquis, le patronat ne désarme jamais ! ».
En effet, dès 1937, les nuages arrivent du côté du patronat qui se réorganise et influence le gouvernement.
1938 – Les lois de régression sociale arrivent en cascade, décrétées par le gouvernement Daladier. Ambroise Croizat appelle à la résistance mais la répression est violente. Le patronat tient sa revanche ! La haine est partout, surtout vis à vis des Communistes
1939 – Le gouvernement les jette en pâture, le PC est dissout, Ambroise Croizat est sans cesse suivi, il sera arrêté sur les marches de l’Assemblée, en octobre. D’abord la prison de la Santé, puis de prison en prison, il finit au bagne de Maison Carré à Alger, là où l’on jetait « les indésirables français ». 22 mois de détention dans des conditions horribles.
Ouverture du bagne le 5 février 1943. Libérés, Ambroise Croizat et ses amis syndicalistes et communistes négocient ardemment pour faire sortir les 3200 militants encore enfermés.
Amaigri, fatigué, Ambroise Croizat reprend la route pour reconstruire le PC ; il mobilise la population, dénonce la collaboration, s’adresse à la Résistance Française… Il veut redonner la dignité aux travailleurs, aux Français, afin que sang versé n’est été vain.
« Accoucher d’une France nouvelle, celle des nationalisations et de la Sécurité Sociale ».
Dès septembre 1943, Ambroise Croizat rejoint la CGT clandestine et va présider la commission travail avec De Gaulle. C’est là que va prendre vie le programme du CNR de mai 1943 présidé par Jean moulin.
Une France exsangue, un patronat sali par la collaboration, un peuple avide de justice, une CGT et un PC forts : le rapport de force est là !
5 ministres communistes au gouvernement provisoire de De Gaulle. Ambroise Croizat « Ministre du travail et de la Sécurité Sociale ». Il y restera 2 ans.
On imagine l’immensité du travail qui les attend dans cette France ruinée, face à ces millions de Français qui ont mis tous leurs espoirs dans ces Ministres qui les représentent.
Il faut se battre pour imposer les réformes du CNR. La Sécu devient un droit fondamental, universel et solidaire (unicité, universalité, solidarité, démocratie). Vaste chantier !
2 ans consacrés à ce système cohérent autour des 138 caisses primaires d’assurance maladie et 113 caisses d’allocations familiales.
« rien ne pourra se faire sans vous… Elle implique une action concrète sur le terrain…Elle réclame vos mains ». Appel entendu : construire des locaux, tenir des permanences, récupérer les feuilles de soins, les arracher aux assureurs privés, convaincre les médecins qui hurlaient à l’étatisation de la médecine… Et il fallait faire vite !
C’est ainsi que Ambroise Croizat laisse les plus belles conquêtes sociales :
un système de prestations familiales uniques au monde ;
la retraite dans sa conception moderne ;
la majoration des heures supplémentaires ;
l’augmentation des primes du travail de nuit et du dimanche ;
le mois de congés payés ;
l’augmentation des salaires ;
le statut de la fonction publique ;
la formation professionnelle ;
les conditions de travail ;
la médecine du travail et encore bien d’autres lois sociales…
Toujours en contact avec la population, très à l’écoute, il pouvait ainsi déterminer ce qui devait être fait pour toujours aller vers plus de dignité.
Mort le 17 février 1951, à 50 ans, 1 million de gens , dans les rues de Paris, qui marche vers le Père Lachaise.
Qui peut se targuer ? non ? Son nom entrera dans le dictionnaire seulement en 2012 !
Marcel Paul qui a œuvré à ses côtés pour défendre un statut pour les mineurs, gaziers et électriciens…n’y est toujours pas !
Un tel personnage mérite son nom dans notre ville. C’est pourquoi nous avons voulu rendre hommage pour tout ce qu’il nous a apporté, lui et ses camarades :
La dignité, le goût de la solidarité, ce qui fait son identité.
A nous de sauvegarder cette conquête !