mercredi 14 avril 2021 Par Évariste
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L’Alsace-Moselle connaît un anachronisme concordataire anti-républicain désormais rejeté par une majorité de personnes : le sondage IFOP commandité par le Grand Orient de France montre qu’une majorité de concitoyens sont favorables à l’abrogation du régime dérogatoire en vigueur en Alsace-Moselle et qui concerne le Concordat : ensemble de la France, 78 % et Alsace-Moselle, 52 % pour l’abrogation du Concordat ! La sortie et, à terme l’abrogation du Concordat, et la suppression des lois antirépublicaines sont inéluctables et indispensables.
Un parallèle avec la proposition de loi sur le droit à choisir sa fin de vie bloquée à l’Assemblée nationale
Abrogation du Concordat et lois d’émancipation – telles que la liberté d’utiliser des contraceptifs, l’IVG, le mariage des personnes de sexe différent ou le droit de choisir sa fin de vie, sont des combats identiques
De même que la laïcité permet à aux êtres humains de se libérer des dogmes religieux, de même que la loi sur l’IVG a permis aux femmes de s’émanciper des dogmes religieux et du patriarcat et de disposer totalement de leurs corps, cette proposition de loi pour établir le droit à une fin de vie libre et choisie serait une loi d’émancipation digne de nos principes républicains en garantissant à chacun et chacune la possibilité de disposer de sa fin de vie, de faire droit à l’aspiration à se commander soi-même. Lois qui n’enlèvent rien à celles et ceux, notamment croyants, qui considèrent que leurs croyances les obligent à ne pas utiliser de contraceptifs, à donner la vie quelles qu’en soient les circonstances, à ne pas abréger ses souffrances…
Or Emmanuel Macron ne serait-il pas tenu par ses déclarations à l’occasion de la conférence des évêques de France aux Bernardins le 9 avril 2018 ? A l’encontre des principes de laïcité et d’égalité de tous indépendamment de leurs options spirituelles, il affirmait : « …nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer… » et ajoutait : « la République attend beaucoup de vous. Elle attend très précisément si vous m’y autorisez que vous lui fassiez trois dons : le don de votre sagesse ; le don de votre engagement et le don de votre liberté… »
On mesure mieux aujourd’hui la portée de ce « pacte » : la faveur faite à l’Eglise catholique sous forme de reconnaissance particulière a pour contrepartie évidente l’espoir de conserver et de capitaliser le plus possible l’électorat dit catholique situé à droite. On comprend mieux alors que, afin de préserver ce capital jusqu’en 2022, il renonce à donner suite à la proposition d’Olivier Falorni sur « le droit à une fin de vie libre et choisie » malgré les sondages, de même qu’il doit rester insensible au glissement d’opinion révélé par celui de l’IFOP sur le Concordat. .
La laïcité doit protéger et les croyants et les non croyants
Comme l’a dit Aristide Briand : « L’État n’est pas antireligieux, il est areligieux. »
La loi de 1905, fragilisée par divers manquements à ses principes comme l’accord avec le Vatican en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy (qui confère aux autorités ecclésiastiques le pouvoir contestable de délivrer des grades et diplômes français en lieu et place de l’État), cette loi de 1905 doit être rétablie sur tout le territoire pour empêcher la marginalisation des athées, des agnostiques et des indifférents qui représentent les 2/3 de la population de France ainsi que des religions minoritaires.
Ces derniers temps le Concordat défraye la chronique avec une subvention publique colossale pour l’érection d’un lieu de culte, en l’occurrence une mosquée à Strasbourg (voir dans ce journal), le même cas de figure s’étant produit à Mulhouse il y a quelques années.
Le problème n’est pas tant l’obédience plus ou moins intégriste des responsables des différents projets que l’entorse faite à la loi de séparation des églises et de l’État, entorse favorisée par le régime concordataire demeuré en vigueur en Alsace-Moselle.
Ce régime dérogatoire issu du Concordat napoléonien du début du XIXe siècle est un véritable anachronisme qui aurait dû être abrogé une première fois au lendemain de la Première Guerre mondiale et une deuxième fois au lendemain de la Seconde Guerre mondiale si les gouvernements de l’époque avaient eu le courage de défendre réellement les principes républicains.
Anachronisme scolaire
Un autre anachronisme fait injure aux progrès de l’esprit humain. Il s’agit du maintien de la loi scolaire « Falloux » qui impose l’enseignement de la religion catholique, protestante et judaïque dans les écoles publiques d’Alsace-Moselle.
Victor Hugo qui voulait l’État chez lui et l’Eglise chez elle, lors du vote de la loi « Falloux » en 1850, avait pourfendu son propre parti [1] : « Je ne veux pas vous confier l’enseignement de la jeunesse, l’âme des enfants, le développement des intelligences neuves qui s’ouvrent à la vie, l’esprit des générations nouvelles, c’est-à-dire l’avenir de la France. Je ne veux pas vous confier l’avenir de la France : parce que vous le confier ce serait vous le livrer. »
La Commune en 1871 avait, quant à elle, poursuivi la volonté des Conventionnels et été précurseur des lois scolaires de 1881 et 1882 en donnant mission à l’enseignement public « de veiller à ce que, désormais, la conscience de l’enfant fût respectée et de rejeter de son enseignement tout ce qui pourrait y porter atteinte… C’est surtout dans l’école qu’il est urgent d’apprendre à l’enfant que toute conception philosophique doit subir l’examen de la raison et de la science. » (Journal officiel du 12 mai 1871.) C’est ainsi que dans les écoles publiques en Alsace-Moselle, comme dans le reste du territoire, l’enseignement religieux doit être remplacé par une présentation et une étude, sous une forme laïque et non doctrinale, de toutes les conceptions métaphysiques athées, agnostiques, religieuses, des controverses de l’Antiquité à nos jours, étude contribuant à former, forger, consolider l’esprit critique indispensable à toute république.
Malgré des évolutions positives comme la possibilité de demander une dispense de ces cours par les parents, comme le fait de ne plus être inscrit d’office dans ces cours, il n’en reste pas moins que la norme serait de suivre ces cours et que ceux qui ne les suivent pas seraient « hors normes ». Cela est un déni du principe de traitement équitable par la République de toutes les options spirituelles athées, agnostiques ou religieuses.
Autre anachronisme : depuis la Révolution française, depuis la Commune de Paris, et comme l’a confirmé la loi du 9 décembre 1905, « Nul citoyen ne doit être obligé de financer un culte qui n’est pas le sien ». « Tous les budgets des cultes y sont supprimés car les religions doivent vivre des seules contributions de leurs fidèles. » et non de l’impôt public. Tout cela vole en éclats avec la rémunération des ministres du culte (catholiques, luthériens, calvinistes, israélites), des intervenants en cours de religion (catholiques, luthériens, calvinistes, israélites – niveau de rémunération équivalent à celui d’un professeur des écoles).
Un site religieux haut-rhinois financé sur fonds publics
Une autre atteinte aux principes de la République, qui tient non pas du Concordat mais de la volonté d’une majorité d’élus locaux, est le financement public et la gestion par des agents du département d’un site religieux. Selon le mot de présentation du Président du Conseil départemental du Haut-Rhin en juillet 2020, la CEA issue de la fusion du Haut-Rhin n’étant pas encore installée, « un fond financier interreligieux a ainsi été créé en 2019 pour permettre aux nombreuses actions de pouvoir se dérouler dans les meilleures conditions. De même, une élue départementale a accepté une délégation pour cette importante thématique qu’est le dialogue interreligieux. Avec la mise en place d’un « Carnet de citoyenneté et de dialogue intercultu(r)el » pour les élèves des collèges où une douzaine de formats sont proposés, ce site Internet vient appuyer la volonté politique du Département du Haut-Rhin pour que, en terre de Concordat, toutes les actions en faveur d’un meilleur Vivre Ensemble soient soutenues. »
Il n’est pas question de critiquer la volonté des différentes confessions religieuses de dialoguer et de mieux se comprendre. Cependant, il n’est pas du ressort d’une collectivité territoriale de financer par les impôts payés par tous les contribuables ces actions interreligieuses pudiquement désignées « intercultu(r)el ». Cela ajoute une touche supplémentaire à la mise en cause du principe selon lequel « Nul ne doit être obligé de financer un culte qui n’est pas le sien ».
Hypocrisies
Il s’agit de celles du gouvernement et de ceux qui font profession de laïcité pour se refaire une virginité en voulant combattre le communautarisme tout en promouvant les causes !
Depuis plusieurs décennies, sous les coups de boutoir du néolibéralisme et de ses promoteurs gouvernementaux ainsi que de l’Union européenne, l’injonction de réduire les dépenses publiques en sacrifiant ou en diminuant les moyens des services publics comme les hôpitaux, les écoles, les centres de vacances, les lieux de culture populaire tels que MJC et centres sociaux poussent les habitants des quartiers sensibles vers les associations communautaristes religieuses pour organiser les aides aux devoirs, le soutien scolaire, pour permettre aux enfants de familles pauvres de partir en vacances qui sont autant d’occasions pour endoctriner et manipuler des esprits en formation.
Pour Bossuet, selon une citation qui lui est attribuée, « Dieu se ritdeshommesqui se plaignentdesconséquencesalors qu’ils en chérissentlescauses. [2]» Nous pouvons remplacer « Dieu » par la « raison » ou la « logique ».
N’est-ce pas ce que nous pouvons constater avec des ministres et un président qui se désolent de la fragmentation de notre société, de la montée des « communautarismes » et qui dans le même temps souscrivent aux réformes qui les favorisent ?
Qu’est-ce que le communautarisme que nous devons combattre ?
« Le communautarisme, dit Jean-Luc Mélenchon en 2020, ce n’est pas la pratique d’une communauté. Nombre de Français participent à des communautés de toutes sortes et pas seulement religieuses. Le communautarisme – celui qui est à combattre – c’est précisément quand une communauté décide que les règles qu’elle veut s’appliquer à elle-même s’appliquent contre les lois et en dépit de ce qu’en pensent les membres de cette communauté. Le communautarisme est notre adversaire en toutes circonstances. »[3]
La laïcité de l’État doit ainsi préserver les personnes des enfermements dans une communauté, des assignations à résidence spirituelle en leur permettant de changer, de renoncer à certaines pratiques sans être inquiétées. La laïcité n’est pas une opinion mais le droit d’en avoir une. La seule communauté qui doit être défendue est la communauté nationale qui fait peuple.
Neutralité de la puissance publique et bien commun
Rappelons que la puissance publique dont les recettes proviennent des contributions de tous les habitants athées, agnostiques, croyants ou indifférents aux religions doit financer ce qui relève du bien commun, de l’intérêt général et non les options spirituelles particulières. Ce bien commun concerne : les hôpitaux, les services de secours ; les écoles publiques où on accueille tout le monde sans distinction de condition et sans caractère propre, cache-sexe d’un projet éducatif religieux, la police garante de la tranquillité publique, la justice garante de l’égalité des droits…
La puissance publique doit garantir l’égalité de droit sans distinction de conviction. Les privilèges publics accordées aux religions doivent cesser en Alsace-Moselle et dans les autres départements ultramarins concernés : rémunération des ministres du culte, enseignement religieux dans les écoles publiques et rémunération des catéchistes, entretien et financement public des bâtiments religieux…
Combat laïque et combat social : en oubliant l’un on affaiblit l’autre, et vice versa
La République doit être laïque et sociale. Le volet social est depuis longtemps oublié. Nous voyons que le volet laïque est également remis en cause notamment par celles et ceux qui mettent en avant des identités restreintes (inégalités raciales qu’il faut combattre mais pas isolées du cadre socio-économique qui les créent – des « décoloniaux » qui enferment les personnes concernées dans une position de victime contre les autres également exploités par le système économique ultralibéral – les « intersectionnaux » qui ont raison de prendre en compte la situation des personnes qui cumulent plusieurs oppressions liées aux origines, aux orientations sexuelles, à leurs croyances, au milieu social… mais qui s’enlisent dans la dénonciation des principes républicains émancipateurs tel que la laïcité et l’universalisme des droits de l’être humain) au dépens de la nécessaire convergence des luttes, de l’indispensable unité du peuple.
Oublié, le volet social prive la laïcité d’une partie de sa crédibilité. Oublié, le volet laïque prive le combat social de son efficacité. La République se doit d’être à la fois sociale et laïque afin que l’individu atomisé dans la mondialisation libérale ne sente plus seul. Le système économique ultralibéral, qui se moque des États, des frontières, des règles et qui s’attaque aux solidarités et aux protections collectives, s’accommode parfaitement de cette démocratie identitaire, de ce marécage identitaire dans laquelle le particulier éclipse l’universel. Le combat laïque est aussi un combat social. En oubliant l’un on affaiblit l’autre, et vice versa. Notre société de plus en plus archipellisée assigne les gens à résidence communautaire, pain bénit de l’oligarchie qui veut maintenir le système actuel. Notre République doit créer les conditions d’un rassemblement paisible autour de principes communs. Seule la laïcité qui doit demeurer le cadre assurant le plus haut niveau de liberté qui ne doit être instrumentalisée ni par ceux qui sont obnubilés par la haine des musulmans ni par ceux qui sont marqués par une complaisance coupable et délétère à l’égard des intégrismes religieux, seule la laïcité ni ouverte ni fermée peut permettre ce rassemblement paisible, peut assurer des rapports apaisés qui n’interdisent pas les controverses argumentées. Nous devons mettre notre énergie militante au service d’une République forte, pas seulement de son autorité, mais forte aussi de son sens de la justice et de la solidarité.
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Retenons en conclusion que, alors que des positions politiques ont beaucoup évolué dans le corps électoral, on voit poindre un fossé grandissant entre ce que pensent les citoyens quand on le leur demande et les politiques de notre exécutif national. Le paradoxe vient de ce que notre exécutif national dépend du vote à la présidentielle et aux législatives des dits citoyens.
Ainsi, le corps électoral est aujourd’hui largement gagné aux propositions sur le droit de mourir dans la dignité, à l’abrogation du Concordat, comme il l’est à d’autres revendications que nous avons traitées dans ReSPUBLICA, au programme des gilets jaunes (qui ont fortement recruté chez les abstentionnistes ouvriers, employés et couches moyennes en voie de prolétarisation), aux embauches dans l’hôpital public, à l’augmentation de salaire des soignants, à l’ouverture des lieux de culture… Et pourtant, nous sommes maintenus devant le spectre d’avoir à choisir au second tour de la future présidentielle entre des candidats qui sont sur des propositions totalement contradictoires à nos aspirations profondes !
NOTES
Remerciements à Philippe Duffau.
1. Les soutiens à cette loi, dont le parti de l’Ordre, la justifiaient ainsi : « … donner au clergé tout l’enseignement primaire. Je demande formellement autre chose que ces instituteurs laïques, dont un trop grand nombre sont détestables ; … je veux rendre toute-puissante l’influence du clergé ; je demande que l’action du curé soit forte, … parce que je compte beaucoup sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici pour souffrir » et ainsi maintenir le « petit peuple » dans la « soumission » à l’ordre bourgeois et capitaliste.
2. La citation authentique est celle-ci : « Mais Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je ? quand on l’approuve et qu’on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance. »
3. Avec à cette occasion une position plus claire ou clairvoyante que lors du soutien et la participation à la marche contre l’islamophobie du 10 novembre 2019, marche controversée de par la nature des principaux organisateurs (voir dans ce journal https://www.gaucherepublicaine.org/debats-laiques/retablissons-les-faits-sur-la-manifestation-du-10-novembre-2019/7417867) même si l’attentat contre la mosquée de Bayonne le 28 octobre 2019 doit être dénoncé et condamné avec la plus grande fermeté comme tous les actes racistes.
La pasteure de l’église protestante de Roubaix, Sandrine Maurot invite les croyants de toutes les religions à « publier une caricature sur leur propre religion, pour défendre la liberté d’expression ».
Superbe idée !!!
Sœur Marie-Thérèse des Batignolles est une série de bande dessinée humoristique française, écrite et dessinée par Maëster.
La liberté, c’est toujours la liberté de ceux qui pensent différemment.
Rosa Luxemburg
Pour le mouvement révolutionnaire républicain, l’école publique, laïque et gratuite, est le lieu où se forge la communauté de discours et de pratiques qui institue l’espace public, c’est-à-dire la collectivité civique, le cadre même où doit se dérouler tout débat politique et social, faute de quoi la République n’est qu’un vain mot. C’est en ce sens que l’école forme les futurs citoyens : elle ne les formate pas mais leur donne les clés et la méthode pour comprendre le monde, se confronter aux opinions des autres, avancer par le débat vers des décisions et des convictions fondées en raison. C’est à l’école que s’acquiert l’éthique de la contradiction sans laquelle aucune émancipation collective n’est possible. C’est pour avoir fait son travail et exercé cette éthique de la contradiction en cours avec ses élèves que M. Samuel Paty, enseignant, fonctionnaire de l’école publique, a été assassiné par un fanatique.
Au-delà ou en-deçà de la liberté d’expression individuelle, le tueur a délibérément voulu punir cet apprentissage collectif du libre examen. Ce qui lui était odieux, comme à tous les prêcheurs d’arrière-mondes révélés par des textes sacrés, c’est l’idée que des citoyens en devenir puissent non seulement avoir des opinions divergentes, mais qu’ils et elles échangent librement et sereinement sur ces divergences. C’est l’idée qu’il existe un lieu, l’école, où ils et elles se mélangent, pour tisser ensemble la trame d’une communauté de principes républicains où chacun ait sa place sans ignorer les autres. Dans leur monde en noir et blanc, rien n’est plus dangereux que ce mélange, cette écoute, et cet apprentissage d’une loi qui transcende leurs différences et qui n’est pas la loi d’un dieu, mais l’universel rationnel, le Commun, tel qu’il émerge peu à peu du dialogue argumenté.
Certes, l’Infâme se dresse en tous siècles et en tous lieux pour diviser l’humanité et soumettre les masses à la tyrannie. Il trouve d’ailleurs un allié paradoxal dans le développement de « réseaux sociaux » censés faciliter l’information et le dialogue mais qui permettent aussi, voire surtout, la formation de bulles idéologiques autarciques, où règnent parfois, comme ce fut le cas ici, la calomnie, la délation et la haine. Partout et toujours, les mille visages de l’Infâme sont objectivement alliés, parfois tacitement comme ici le fanatisme islamiste et le racisme résurgent ; parfois ouvertement comme il y a peu, quand mille calottes censément différentes défilaient conjointement contre les droits des femmes ou ceux des couples de même sexe. Mais une étape dans l’horreur a été franchie vendredi, lorsqu’un fanatique a délibérément versé le sang de quelqu’un dont le crime supposé était de défendre, par le simple exercice de son métier, la liberté des autres. Le meurtre a été mis en scène comme une exécution, signalant par là que la loi collective, pour l’assassin, ne doit pas se fonder sur la parole multiple et libre de citoyens œuvrant continûment à leur propre émancipation, mais sur le Verbe jaloux d’un texte révélé. C’est l’idée même d’un gouvernement délibératif de l’humanité par l’humanité elle-même qu’il s’agissait de tuer par cet acte ignoble.
Plus que jamais, le combat pour l’émancipation individuelle et collective doit être repris à la base : la liaison du combat laïque, démocratique et antiraciste, et du combat social, contre toutes les formes d’oppression, tous les pouvoirs de la réaction, tous les obscurantismes, toutes les menées visant à fragmenter le corps social et politique en groupes aliénés, perdus pour l’intérêt général, incapables de construire ensemble les conditions de la liberté de toutes et tous. L’antiracisme radical et la séparation stricte de la loi humaine et des lois dites divines sont inséparables du combat pour l’appropriation collective du monde où nous vivons ensemble : il n’y aura de révolution socialiste, écologique et démocratique qu’à cette condition.
Contre l’Infâme, nous n’abandonnerons jamais la promesse de la liberté ni celle de l’universel.
La presse annonce que la basilique du Sacré-Cœur serait bientôt classée monument historique. Il s’agit d’abord d’un avantage supplémentaire accordé par la République — pourtant laïque — à l’Église catholique, qui n’en cumule déjà que trop ; à commencer par le financement public de ses établissements d’enseignement. Les subventions du ministère de la Culture pourront désormais bénéficier directement à cette pièce montée d’un goût architectural douteux, mais au sens symbolique assurément clivant.
Après le Temps des Cerises, le temps des cilices(1) ?
Car reconnaître le Sacré-Cœur « d’intérêt public » par voie de classement, c’est faire insulte à l’histoire, à la République, et au chapitre des luttes sociales du « roman national ». La basilique fut en effet explicitement érigée « en expiation » de la Commune de Paris. Cela fut dit lors des débats sur la déclaration « d’utilité publique » de ce bâtiment à l’Assemblée nationale, le 24 juillet 1873 (la laïcité n’existait pas encore). Cela fut répété en 1875, lors de la pose de la première pierre sur la butte Montmartre, car « C’est là où la Commune a commencé ». Depuis 130 ans, l’orgueilleux symbole de la domination sanglante de la bourgeoisie surplombe le Paris qui fut populaire.
Le classer monument historique, c’est considérer que la Commune est « derrière nous » — comme le dit peu élégamment la ministre de la culture. À l’heure où d’aucuns veulent déboulonner les statues de Colbert parce qu’auteur du « Code noir », voilà un paradoxal exemple de « cancel culture » : la mémoire des dominants effaçant l’histoire ! C’est la deuxième mort des révolutionnaires de 1871, massacrés par la soldatesque de Thiers et du général Galliffet pour avoir osé la première « République sociale ».
Or la France, en 1946, est constitutionnellement devenue une République « sociale » : pour cela, il aura fallu des milliers (voire des dizaines de milliers) de morts en 1871, puis ceux de la Résistance. Le 29 novembre 2016, l’Assemblée nationale a d’ailleurs voté un texte proclamant la réhabilitation des victimes de la répression de la Commune. Ainsi, la République doit autant aux héritiers des Communards qu’à ceux des républicains fusilleurs, et ceci n’est pas « derrière nous ».
Certes, la maire adjointe de Paris en charge du patrimoine argue que sera également inclus dans le classement le square Louise-Michel attenant à la basilique. Mais quel déséquilibre entre le souvenir de l’héroïne de la Commune, que seuls l’enseignement de l’histoire et les mémoires militantes perpétuent, et la notoriété mondiale du deuxième monument le plus visité de Paris ! Ce n’est pas ce « pâté d’alouette et de cheval » (une alouette communarde, un cheval versaillais) qui « réconcilier[a]ces deux histoires ».
Madame Bachelot, ne commettez pas cette réécriture symbolique de l’histoire. Madame Hidalgo, qui avez poussé le souci de la population de Paris jusqu’à participer à la bénédiction archiépiscopale du 9 avril 2020, n’évacuez pas la mémoire populaire.
QUAND LE MINISTÈRE DE LA CULTURE RÉÉCRIT L’HISTOIRE
Mais que devait donc « expier » la France, par l’érection du Sacré-Cœur — si l’on ose dire ?
Le Monde du 14 octobre résume : « Selon le ministère de la Culture, c’est à “une mauvaise lecture de l’histoire” que le Sacré-Cœur doit de ne jamais avoir été classé. Longtemps, la basilique a été associée aux événements de la Commune de Paris, la croyance publique laissant entendre que son édification avait été décidée pour “expier les crimes des communards”.
De fait, c’est au sommet de la butte Montmartre que débuta l’insurrection des Parisiens [emmenés par les Parisiennes !] le 18 mars 1871, lorsque les troupes d’Adolphe Thiers vinrent enlever les canons de la Garde nationale qui y étaient entreposés. Mais la décision d’édifier la basilique a été prise dès 1870, affirment les historiens. “Ces querelles sont derrière nous mais ont retardé le processus de protection”, reconnaît [sic] Roselyne Bachelot. »
Un « symbole de l’ordre moral alors triomphant, de la réaction la plus cléricale »
Que disent au juste les historiens, de cette question de date ? Citons cette fois Le Point — que l’on ne suspectera pas d’être la voix des Communards :
« (…) ce fut une initiative privée, qui débuta sans pour autant viser la Commune. (…) Alexandre Legentil, propriétaire de grands magasins de tissus, (…) demanda pardon en raison des “malheurs qui désol(ai)ent le pays et des attentats sacrilèges commis à Rome (envahie par les troupes françaises qui mirent fin au pouvoir temporel du pape)”. (…) l’évêque de Nantes, Mgr Felix Fournier, venait d’attribuer la défaite de la France à une punition divine pour un siècle de déchéance depuis la Révolution (…) argumentaire, qui moins d’un siècle plus tard reviendra avec succès sous Vichy (…).
Il servit à un lobbying clérical efficace “après la chute de la Commune. Après des débats houleux, le vote de l’Assemblée nationale composée en 187[3] à majorité de royalistes cléricaux permet de reconnaître l’église d’utilité publique et autorise l’expropriation. (…) Financée par une souscription publique — près de 10 millions de Français vont verser leur écot pour une pierre —, ce projet, symbole de l’ordre moral alors triomphant, de la réaction la plus cléricale, ne va être achevé, ironie de l’histoire, qu’en 1891, alors que la République a déjà versé dans l’anticléricalisme. Le conseil municipal tentera bien en 1904 d’ériger en face la statue du chevalier de La Barre, symbole de l’intolérance religieuse [elle le fut en 1905], celle-là sera finalement éloignée.”
On a donc le choix dans la date : 1870 pour “le symbole de la réaction la plus cléricale”, ou 1873 pour “l’expiation de la Commune” ? C’est dans les deux cas aussi laid que le monument lui-même (remarquait déjà Zola), qui mérite pour cela d’être laissé en place… avec les explications historiques qui s’imposent !
Non, ceci n’est pas un canular anticlérical ! Dans un communiqué du 23 mars 2020, le conseil scientifique COVID-19 instauré par le Président de la République pour « éclairer la décision publique » considère « le soin pastoral » comme « essentiel dans toute réponse à une crise épidémique ». Il recommande donc la « création d’une permanence téléphonique nationale d’accompagnement spirituel inter-cultes ».
Vous avez dit « scientifique » ?
Est-ce bien rationnel ? Il est vrai qu’en ces temps de confinement, on ne peut rouvrir le sanctuaire de Lourdes, et les processions de flagellants ne sont plus autorisées, pas plus que l’imposition des mains par les exorcistes de la « médecine islamique », ou l’enduction de salive des marabouts. On se gaussera à loisir qu’un comité supposé « scientifique » se mêle des croyances, forcément toutes particulières, d’une population qu’il s’agit de protéger ou de soigner dans son ensemble. Tout cela sent son Moyen Âge. Le président du comité, le professeur Delfraissy, est immunologiste : il y a du souci à se faire s’il mélange croyances particulières et universalité de la science ! Mais le plus grave n’est même pas là.
Toute instance de la République doit être laïque
Dans un pays dont 60 % des habitants environ se disent incroyants, ou détachés de leur religion d’origine, une instance officielle peut-elle, en temps d’épidémie, ne se préoccuper que des 40 % restants ? C’est déjà contraire à toute règle prophylactique… « Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » (La Fontaine) : « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas » (Aragon). Un conseil institué officiellement par le Président d’une République laïque auprès d’un ministre se doit de respecter absolument la liberté de conscience, et de ne reconnaître aucun culte — principes constitutionnels. Le bricolage « inter-cultes », c’est le cléricalisme, qui prétend soigner avec la « clériquine » — autrement dangereuse que la chloroquine chère au professeur Raoult !
Six religions n’ont pas le monopole des convictions spirituelles ou humanistes
Pire, le conseil « scientifique » limite sa préconisation aux « représentants des principaux cultes ». Le terme de « représentant » des cultes est déjà insupportable dans une République laïque, qui ne connaît que leurs « responsables ». Mais surtout, qui donc sont ces « principaux cultes » ? M. Macron s’est adressé par visioconférence le même 23 mars à six d’entre eux : catholique, protestant, orthodoxe, israélite, musulman, bouddhiste. Tant pis pour les autres (hindouistes, pastafaristes, taoïstes, chevaliers Jedi…) Au moins le Président avait-il convoqué (fausse symétrie sans doute) quelques associations non confessionnelles : Obédiences maçonniques, Fédération nationale de la Libre-Pensée, Comité Laïcité République(1). Or ces « autorités morales » non religieuses sont par définition exclues du soin « pastoral » prêché par le comité scientifique…
Certes, nul ne nie l’importance des facteurs moraux et psychologiques dans la lutte contre une épidémie. Il appartient à tout culte, comme à toute association non confessionnelle, de s’organiser pour soutenir ses ressortissants. Mais au nom de quoi les responsables de quelques cultes monothéistes seraient-ils plus fondés que n’importe quelle autre association convictionnelle, philosophique ou humanitaire, à apporter ce soutien moral ? Et au nom de quoi se permettraient-ils de le faire à d’autres que leurs adeptes ? Les religions, comme toute autre conviction, sont affaires privées. Elles ne sont pas « d’intérêt général ». Un « conseil scientifique » de la République n’a en aucun cas à leur reconnaître le monopole de la vie morale et spirituelle.
Après son discours aux évêques de France, en avril, le président de la République est reçu aujourd’hui au Vatican. Cette rencontre prend un relief particulier pour le chef de l’État, soucieux de nouer un lien fort avec l’électorat catholique.
La rencontre ce mardi entre le pape et Emmanuel Macron, officialisée la semaine dernière, sera doublée d’un épisode peut-être moins médiatique que l’audience papale, mais tout aussi important aux yeux du chef de l’État, qui n’a de cesse de renouer avec les catholiques. Le président de la République sera fait premier et unique chanoine honoraire de la basilique Saint-Jean-de-Latran, cette « cathédrale du pape » qui marque pour les chrétiens la France comme « fille aînée de l’Église ». La tradition commencée depuis Louis XI sied parfaitement à un Macron soucieux d’inscrire le pays dans cette longue histoire – et de s’en faire l’héritier naturel. Ce matin, il assistera à une célébration liturgique, comprenant une prière et la lecture d’un texte biblique, avant de prendre possession de sa stalle (virtuelle) dans la chapelle Colonna. Il rencontrera ensuite la communauté catholique française réunie dans le palais attenant à Latran.
Si son prédécesseur François Hollande n’avait pas formellement refusé le titre, proposé à chaque président de la République, il n’en avait pas formellement pris possession, tout comme Georges Pompidou et François Mitterrand.
Sollicité par le chapitre de Latran en novembre 2017, Emmanuel Macron avait répondu par la positive dans une lettre, en laissant entendre qu’il viendrait prendre possession de son titre lors d’un prochain déplacement à Rome. Le président a cependant attendu un an avant de sacrifier à la tradition, tandis que Nicolas Sarkozy, catholique revendiqué, l’avait fait six mois après son entrée en fonction. C’est à cette occasion d’ailleurs que l’ancien président de la République avait suscité la polémique en tenant des propos très peu laïcs, exprimant entre autres que « un homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent », ou que « dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ». Pour Emmanuel Macron, après son discours appuyé envers les catholiques devant les évêques de France réunis le 9 avril dernier, nul doute que le décorum et la solennité de la basilique romaine, siège de l’évêché de Rome, servent son dessein de resserrer le « lien abîmé » entre l’Église et l’État, selon lui, et « qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer », avait-il lâché, suscitant la polémique.
le titre de chanoine rompt avec la neutralité du statut de président
Ce souci est évident sur les questions sociétales. Le chef d’État s’est ainsi fait plus conservateur que le candidat. Emmanuel Macron, qui durant la campagne avait qualifié de « discrimination intolérable » l’interdiction faite aux couples lesbiens et aux femmes célibataires d’accéder à la PMA, s’est fait depuis muet en public sur la question, demandant au préalable de disposer du rapport du Comité national d’éthique avant toute décision politique. C’est chose faite depuis un an tout juste, quand le CCNE rendait le 27 juin 2017 un avis prudemment positif sur la PMA, tout en soulignant qu’il avait été acquis par les deux tiers des membres, au terme d’un débat difficile. Le rapport de synthèse publié début juin nuance toutefois cet avis. Reste qu’une cinquantaine de députés de sa majorité ont publié fin mai une tribune pour lui rappeler que la PMA est « un acte d’égalité ». Le Défenseur des droits et le Haut Conseil à l’égalité sont sur la même ligne, l’opinion également. Pourtant, Emmanuel Macron évite encore le sujet, et fera face à un pape François qui, dans la lignée de ses prédécesseurs, proscrit l’insémination artificielle, même intraconjugale, et toute forme de fécondation in vitro, tandis que la GPA est vue par les évêques français comme « une forme de traite d’êtres humains ».
Si lui-même considère la foi comme devant relever de l’intime, il n’oublie pas sa période « mystique », comme il l’affirmait dans un entretien à l’Obs en février 2017, racontant avoir demandé, à l’âge de 12 ans, à être baptisé. Il parle volontiers de la « transcendance » du pouvoir, ainsi qu’il l’écrivait dans son livre Révolution en 2016 : « Un président (…) porte aussi, de manière moins visible, tout ce qui dans l’État transcende la politique. » Anticipant les potentielles critiques sur une nouvelle atteinte à la laïcité, l’Élysée a insisté sur le fait que cette cérémonie n’aurait « aucune dimension spirituelle mais une signification honorifique et historique ». « Chanoine n’est pas un titre religieux mais laïc (...) il n’y a pas d’enjeu de laïcité », explique son entourage. Pourtant, accepter le titre de chanoine rompt avec la neutralité que devrait s’imposer un président de la République française, estime au contraire François Cocq, coauteur du livre la Laïcité pour 2017 et au-delà, de l’insoumission à l’émancipation. Pour le président de l’Association pour la gauche républicaine et sociale, « si la France n’a pas à renoncer à son Histoire, la République n’a pas à endosser les héritages qui entrent en contradiction avec son principe d’organisation politique et sociale que représente la laïcité ».
Macron tient à flatter l’Église et l’électorat catholique
Or, Emmanuel Macron se situe aux antipodes d’une telle conception. Devant les évêques, il avait tenu à flatter l’Église de deux manières. D’abord, en se dissociant de Hollande, accusé d’avoir réduit, avec les débats sur le mariage pour tous, la communauté des chrétiens « au rang de minorité militante contrariant l’unanimité républicaine ». Puis en se distinguant d’une droite qui aurait selon lui « surjoué l’attachement aux catholiques, pour des raisons qui n’étaient souvent que trop évidemment électoralistes ». Échappe-t-il lui-même au reproche électoraliste avec cette visite à Rome surchargée de spiritualité ? Surtout quand son ministre de l’Intérieur – et des Cultes –, Gérard Collomb, ne trace pas un trait d’égalité entre les religions quand il affirme, comme en novembre 2017, « nous voulons que les musulmans se sentent fiers d’être français, fiers d’appartenir à la nation », plaçant sur le même plan la foi, qui relève de l’intime, et la nationalité, qui relève de la construction d’un peuple.
Au contraire ? Parions que les arrêtés anti-burkinis seront jugés illégaux par le juge administratif, quand il se prononcera sur le fond. Il est donc à craindre que les islamistes et leurs alliés bénéficient demain d’une victoire juridique de plus.
Disons-le clairement : l’UFAL est résolument opposée aux injonctions visant à contraindre les femmes par le corps, qu’elles se prévalent ou non de la religion, même quand elles ne recourent pas à la violence physique, et même si certaines femmes disent s’y plier de leur plein gré. Le burkini et les tenues présentées comme « islamiques » en général sont à ce titre, non pas de simples expressions de la « liberté de religion », mais des ennemis de l’émancipation humaine. Ils doivent être dénoncés et combattus comme symboles d’une offensive politique communautariste dirigée contre l’universalisme républicain : mais par quels moyens ?
Peut-on exiger une mesure juridique d’interdiction chaque fois qu’un comportement nous paraît contraire à nos conceptions de la liberté, de l’égalité, et de la fraternité républicaines ? Non ! Ce serait renier nos principes mêmes. À ce compte-là, puisque les curés d’extrême-droite de la Fraternité Saint Pie X portent la soutane, il faudrait prendre des arrêtés interdisant le port de la soutane… comme celui pris le 10 septembre 1900 par le maire du Kremlin-Bicêtre, annulé par le Conseil d’État (certes, c’était avant la loi de 1905, et il s’agissait de tourner en dérision le concordat). Le ridicule de tels arrêtés n’est pas moindre que celui des tenues dites « religieuses ».
Certes, l’on peut légitimement tenir la liberté de porter une tenue discriminante et claustrante comme moins importante que les libertés républicaines, menacées par les offensives communautaristes, y compris symboliques. Mais toute stratégie de prohibition au coup par coup (qu’elle vienne de la droite réactionnaire ou, malheureusement, de certains républicains de gauche) est contre-productive, car vouée à l’échec juridique. C’est que le problème n’est pas juridique, mais bien politique et idéologique.
La force des islamistes, c’est qu’ils ont deux niveaux d’intervention qui ne se rencontrent jamais : un niveau privé, fait de pressions communautaire et religieuse dans la famille, le quartier, etc., où se déploie toute leur rhétorique patriarcale et liberticide ; un niveau public, où des associations comme le CCIF, s’érigent en gardiens de la liberté et du droit pour disqualifier toute tentative de dénoncer le premier niveau de leur action au nom des droits fondamentaux.
Il faut comprendre qu’ils y sont aidés par le cadre juridique français et international, notamment la jurisprudence : outre notre Conseil d’État, la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) considère la liberté de religion comme supérieure à toutes les autres. Pour eux, le principe d’égalité femmes-hommes n’a ni portée juridique suffisante ni application concrète recevable : ainsi, la liberté d’une seule personne voilée « volontairement » l’emporte sur le droit des femmes en général1.
L’islamisme est donc mis en mesure de retourner le droit contre la République ! Face à lui, une bataille exclusivement juridique est à coup sûr perdante. C’est au niveau de la société civile, dans les rapports privés, qu’il nous faut nous aussi intervenir : car la bataille est politique et culturelle. À force de répéter que la laïcité ne serait pas une « opinion comme les autres », on a perdu de vue que la République ne peut vivre sans l’action des militants armés de leurs convictions laïques et républicaines. C’est à cela également que l’UFAL s’emploie : la rejoindre est plus efficace que n’importe quel arrêté municipal.
Le député d'Avranches Guenhaël Huet a commis ces derniers jours plusieurs déclarations, sans équivoque, à connotation raciste. Dans un tweet, puis dans une interview, il a sous-entendu que parmi nos compatriotes de confession musulmane qui ont défilé à Mantes contre la barbarie de l'assassinat des deux policiers de Magnanville, certains ne seraient là que pour « endormir » l'opinion publique . Il les a soupçonnés de "duplicité" .
Ces déclarations entretiennent de façon malsaine la confusion entre les citoyens de confession musulmane et les actes terroristes perpétrés au nom de l' Islam. Il est inadmissible et irresponsable qu'un élu de la République choisisse ainsi délibérément d'attiser les tensions et foule sans vergogne les principes qui fondent la laïcité. Si l'on se souvient de la fusillade contre un kebab dans la propre circonscription de M. Huet, on comprendra qu'il est stupide et dangereux de jouer avec les peurs et la haine en ces temps troublés. Le Front de Gauche condamne et combattra sans relâche ces dérives politiciennes inacceptables."
Aujourd’hui encore, en Alsace et Moselle, l’école publique n’est pas laïque. Dans le cadre du statut scolaire local l’État y organise l’enseignement religieux avec les « cultes reconnus » (catholique, protestants, israélite) dans les locaux et sur le temps scolaire. Il rémunère les intervenants de religion aux frais de tous les contribuables de la République.
Cette situation n’est pas conforme à trois principes constitutionnels :
Liberté de conscience.
Aujourd’hui encore, les parents d’élèves sont toujours soumis à l’obligation de dispenser officiellement leurs enfants sous peine de sanctions pour les élèves s’ils ne suivent pas le cours de religion.
Neutralité.
Alors que la charte de la laïcité doit être affichée dans tous les établissements scolaires, la réglementation permet encore aux enseignants de l’Éducation nationale d’assurer l’enseignement de la religion à leurs propres élèves au mépris de leur obligation de neutralité.
Égalité.
Le droit à l’égalité est bafoué à l’école élémentaire où l’heure de religion est incluse dans l’horaire obligatoire de 24h. Les élèves d’Alsace et de Moselle sont ainsi privés de 180 heures de cours communs durant leur scolarité primaire.
En 1974, Les instituteurs ont obtenu la liberté de ne pas enseigner la religion à l’école publique en Alsace et Moselle. Aujourd’hui, nous devons obtenir une avancée de même nature.
Nous appelons l’État à faire respecter ces trois principes sur l’ensemble du territoire de la République.
Nous appelons l’État à mettre en œuvre, en Alsace et Moselle, dès la rentrée de 2016, les recommandations de l’Observatoire de la laïcité :
Rendre l’enseignement religieux optionnel en l’organisant pour les seules familles volontaires.
Organiser cet enseignement optionnel en dehors de l’horaire dédié aux enseignements de l’Éducation nationale.
Nous appelons L’État à faire respecter à l’école publique en Alsace et Moselle la séparation du domaine des savoirs dispensés par l’Éducation nationale de celui des croyances inhérentes au domaine religieux.