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9 mai 2008 5 09 /05 /mai /2008 16:14
Ce qui est à retenir, et ce qui étonne en ce quarantième anniversaire, c'est que l'on puisse évoquer mai 68 comme si tous les maux dont souffre le pays trouvaient là leur causes et leur explication jusqu'au "dérives du capitalisme financier", à en croire le président de la République .
Et nombre d'intellectuels et d'éditorialistes le suivent qui ne retiennent de ce mois de mai 68 que les discours les plus radicaux et les slogans anarchistes les plus provocateurs. Il faut rappeler que "il est interdit d'interdire" fut jeté par Jean Yanne qui fut surpris et s'amusa bien de la voir ainsi exploitée. Ce slogan, si l'on veut ignorer la boutade et son auteur, est évidemment stupide puisqu'il signifierait que toute normativité (interdit, limites) serait par essence répressive. ( Chaque individu serait alors confronté à produire sa propre norme). Mais on saisira mieux son sens existentiel si l'on sait, qu'en ce printemps là, l'interdiction de "toute présence mâle" était faite dans le pavillon des filles de la cité U de Nanterre... C'est pourquoi tous ceux qui voudraient rayer ce joli mois de Mai de l'histoire ne cessent de rappeler ce slogan pour discréditer cette révolte d'avenir … prolongée. Ce qu'ils veulent effacer de la mémoire, c'est que la France connut la plus longue grève de son histoire et que le patronat dut accepter de satisfaire des revendications qui paraissaient impensables, « irréalistes » et devaient évidemment « ruiner la France » un mois auparavant: augmentation du SMIG de 35,14%, hausse du salaire réel, libre exercice du droit syndical dans les entreprises, légère réduction du temps de travail, assouplissement de l'âge de la retraite, financement de la formation professionnelle, aménagement des allocations familiales. C'est cette mémoire que redoute la classe dirigeante qui affecte d'ignorer les profonds changements concernant les mœurs. Il convient de leur rappeler que la pilule venait tout juste d'être autorisée par la loi Neuwirth, que des milliers de femmes avortaient encore clandestinement, que l'avortement serait bientôt légalisé par la loi Weil, en 1975, de nouveau grâce à l'appui de la gauche contre la majorité de droite. Il convient encore de leur appeler que la loi sanctionnait l'homosexualité comme un des « fléaux sociaux » et assimilait les homosexuels à des malades mentaux. A tous ceux-là, il convient de rappeler que les pères étaient toujours des « chefs de familles », que les femmes devaient avoir leur autorisation pour avoir un chéquier et que s'ils souhaitaient divorcer, les époux devaient s'envoyer des lettres d'injures. Au partisans du retour de bâton de l'autorité il convient de rappeler que l'ordre dans les institutions éducatives se satisfaisait bien souvent d'une loi du silence pesant sur toutes les formes de violences, y compris sexuelles, et sur les humiliations. Voilà les raisons inavouées de ceux qui voudraient effacer la trace pour eux sulfureuse de ce mois de mai qui fit craquer les structures patriarcales d'un vieux monde que certains, qui semblent méconnaître l'histoire de France, voudraient restaurer en espérant étouffer toute velléité de contestation et de révolte populaire.
Y Le Pennec

A paraitre "Liquider mai 68...ou "Il est interdit d'interdire au Capital de jouir sans entraves". Mémoire rétro-prospective.
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